jeudi 14 février 2013

Jules Renard vu par Han Ryner 1/3

 Sur Jules Renard et sur Vigny
Le premier livre important de Jules Renard, le premier de ceux dont les titres sont venus jusqu'à nous, est assurément l'Écornifleur. Il sera suivi du Vigneron dans sa vigne, des Histoires naturelles, du Plaisir de rompre, du Pain de ménage et, surtout, bien évidemment, de Poil de Carotte, publié respectivement en 1894, 1896, 1898, 1900 et 1894 pour Poil de Carotte roman et 1900 pour Poil de Carotte comédie. Mais c'est en février 1892 que paraît chez Ollendorf l'Écornifleur. Un centenaire donc. Et apparaissent pratiquement en même temps l'Écornifleur et le second enfant de Jules et de Marie Renard, la petite Julie Marie, dite Baïe, née le 22 mars 1892, et qui décèdera en 1945.
Tout le monde connait Jules Renard, et on peut avancer sans risque de se tromper que nul ne le connait vraiment tant sa personnalité est, plus que tout autre peut-être, bicéphale.
Tout d'abord, et je crois qu'on l'oublie trop souvent, Renard est mort jeune. À 46 ans (né le 22 février 1864, décédé le 22 mai 1910). comme Claude Tillier, 1801-1844, et on a souvent amorcé un parallèle Tillier-Renard. Comme Paul-Louis Courier, 1772-1825, ou encore Paul Verlaine, 1844-1896.
Très brièvement, les grandes dates de la vie de Renard sont le 28 avril 1888, son mariage avec Marie, dite Marinette, Morneau, 1871-1938; le 2 février 1889, naissance de leur fils Pierre-François, dit Fantec, qui décèdera en 1934; 22 mars 1892, naissance de Baie; 19 juin 1897, suicide de son père François Renard; 5 août 1909, noyade (suicide?) de sa mère, née Anne-Marie Colin (Mme Lepic).
On connaît bien les mots, parfois très durs, acides, de cet aigri et de ce déçu, et parfois, si tendrement bucoliques. Il définissait le papillon, ce petit châle pour les fleurs, "ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur".  Voici quelques-uns de ses aphorismes, quelques-unes de ses sublimes notations parmi tant d'autres: Il faut admirer une cérémonie religieuse si elle est belle, et non pas l'aimer ou la détester parce qu'elle est religieuse" (25 septembre 1908). "On ne s'habitue pas vite à la mort des autres. Comme ce sera long, quand il faudra nous habituer à la nôtre!" À propos de son Journal: "Des amis s'y reconnaîtront. Je pense avoir dit assez de mal d'eux pour les flatter". Et, qui n'est pas sans parenté avec la fraternelle poésie d’un Marcel Martinet ou d'une Sabine Sicaud: " Je sais déjà regarder les nuages qui passent. Je sais rester sur place. Et je sais presque me taire". Savoir regarder les nuages qui passent et savoir presque se taire, c'est déjà beaucoup plus que le commencement de la sagesse, mais cette sagesse là, combien de paysans l'ont acquise à leur naissance?
Suite demain.
(Han Ryner, Les Messages de Psychodore, n°53, novembre 1992)

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