samedi 30 juin 2012

Journal du 30 juin 1902

Willy: son verre n'est pas grand, mais il boit dans celui des autres.

L'homme ligoté

Suite du blog du 24 juin
La phrase de Jules Renard est ronde et pleine, avec le minimum d'organisation intérieure; elle ressemble à ces animaux solides et  rudimentaires, auxquels un seul trou sert de bouche et de méat. Point de ces subordonnées qui sont comme des épines dorsales ou des artères ou parfois des ganglions nerveux; tout ce qui n'est pas dans la proposition principale lui paraît suspect: ce sont des bavardages, des restrictions inutiles, des adjonctions oiseuses, des repentirs.
C'est vraiment contre la syntaxe elle-même qu'il en a; elle paraît à ce paysan un raffinement d'oisif. C'est la phrase terrienne et populaire, la phrase monocellulaire du père Bulot qu'il a fait sienne.Aux mots seuls est dévolue la mission de rendre les nuances et la complexité de l'idée. Des mots riches dans une phrase pauvre.
Il fallait bien en venir là: du silence le mot est  plus proche encore que la phrase. L'idéal serait qu'il fût une phrase à lui à lui seul. Ainsi rejoindrait-on en lui le discours et le silence, comme se rejoignent en l'instant Kierkegaardien le temps et l'éternel. Á défaut du mot-phrase, mettons dans la phrase le moins de mots et les plus lourds de sens.
Qu'ils ne se bornent pas à exprimer l'idée dans sa nudité, mais que, par le jeu de leurs différents sens -étymologique, populaire, savant -, ils fassent entrevoir un au-delà harmonique de l'idée.
"Le beau rôle que pourrait jouer Malherbe en ce moment:
- D'un mot mis en sa place, enseigner le pouvoir.
Et jeter dans la boîte  aux rebuts tous les autres mots qui sont flasques comme des méduses."
Á suivre.
(Jean-Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947)

vendredi 29 juin 2012

Journal du 29 juin 1908

Le beau matin. Levé ce matin à 4 h 1/2. Une névralgie faciale m'empêchait de dormir. Voici exactement ce que j'ai noté.
D'abord, par crainte du ridicule, je dis à Marinette que j'allais au cabinet.
Le soleil: un point. Le coq enroué. Le petit lapin. Ceux qui se lèvent.
Pris de bâillement, je faisais à la nature de grandes bouches rondes comme le trou du petit lapin.  De sorte qu'à huit heures j'étais au lit, comme toujours.
Les nuages se dressent en cercle comme des caniches blancs démesurés.
Se lever matin, oui, c'est assez drôle, une fois, si ce matin-là on se recouche. 
J'ai positivement vu s'ouvrir les lèvres d'un lis où perlait la sueur.
Ma fenêtre déjà ouverte! Philippe va croire aux voleurs.
Léger froid aux pieds. Nuage accroché au clocher. Déjà les chevaux et les boeufs mangent.
La pie dans le pré, le loriot, le coucou. Pendant la nuit, ils sont redevenus plus familiers. Ils croyaient l'homme disparu.
Le bouillon blanc a brûlé toute la nuit et ne s'éteint pas. Feuilles fripées.
De son temps, au XVIIIe siècle, Rousseau, je ne dis pas. Aujourd'hui, le soleil ne se lève plus comme ça.

jeudi 28 juin 2012

Journal du 28 juin 1900

Le castor qui a l'air d'accoucher d'une semelle de soulier.

B. de Nadaillac, maire de Chitry, écrit à M. Toesca

Document inédit.
16 rue Dupont-des-Loges (7e)                          20 février 1977
Monsieur,
Le beau livre sur Jules Renard que vous avez eu l'amabilité de m'envoyer m'a passionné.
Je connaissais, au fond, bien mal l'homme dont j'ai l'honneur d'être le lointain successeur à la mairie de Chitry. L'incompréhension totale entre lui et mes grands-parents, et pas plus d'un côté que de l'autre on n'aurait imaginé faire un geste de rapprochement. Aussi, dans mon enfance, n'ai-je guère entendu parler de lui.
J'admire l'impartialité du jugement que vous portez sur lui. Après vous avoir lu, l'explication de son caractère, à la fois antipathique et attachant, apparait toute simple: blessé par la dureté de sa mère, il prend en haine tout ce à quoi elle attache de l'importance. (Et je vous sais gré de n'avoir fait, malgré la mode actuelle, qu'une allusion passagère à Freud sur ce point).
Sur sa vie conjugale irréprochable vous avez une phrase parfaitement juste, mais, au fond, accablante: il lui aura manqué d'aimer de cet amour merveilleux.
Et vous le ramenez à ce qu'il était uniquement: un homme de lettres à l'état pur, pour qui le talent et, surtout, les succès littéraires étaient les seules chose qui puissent compter.
En vous redisant combien nous avons pris plaisir à vous lire, je veux vous dire combien ma femme  et moi serions heureux de vous accueillir, moins brièvement que la première fois, si une occasion vous ramène, ainsi que Madame Toesca à Chitry.
B. de Nadaillac
(Fond Maurice Toesca, IMEC)

mercredi 27 juin 2012

Journal du 27 juin 1906

On ne parle plus de moi qu'à propos des autres.

Léon Guichard écrit à Maurice Toesca

Documents inédits.
12 quai Mourrier 38000 Grenoble                                9 mars 1977
Monsieur, 
Vous avez publié récemment un Jules Renard. Si vous aviez l'obligeance de m'en faire adresser un exemplaire je serais heureux d'en rendre compte soit dans la Revue d'histoire littéraire de la France, soit plus probablement dans Studi Francesi.
Veuillez agréer, je vous prie, mes sentiments les plus choisis.
Signé: Léon Guichard, responsable de l'édition des oeuvres de Jules Renard  dans la collection de la Pléiade.
* * * * * 
Le Prieuré 73610 Lépin le lac                                      21 avril 1977
Cher Monsieur,
Séjournant en Savoie depuis la fin de mars j'y attendais ce Jules Renard que vous m'aviez aimablement annoncé. Faisant hier un saut à Grenoble, j'y ai trouvé le mot d'un obligeant voisin qui le conservait pour moi. Le préposé aux paquets postaux, au lieu de le faire suivre à mon adresse de campagne et ne pouvant le faire entrer dans ma boite aux lettres, l'avait simplement déposé par terre. Mon voisin l'avait recueilli et je viens tout de suite vous remercier.
Je suis impatient de revivre la vie de Renard avec vous.
Je pars pour un colloque en Toscane, mais je l'emporte. Et ce sera mon seul livre avec moi, et je vous remercie de cette compagnie.
Veuillez agréer, je vous prie, mes sentiments les plus vifs.
Signé: Léon Guichard
(Fonds Maurice Toesca, Imec)

mardi 26 juin 2012

Journal du 26 juin 1907

La mort est l'état normal. On compte pour trop la vie.

Intermède, par Simone Weil

L'expérience d'usine
Simone Weil, professeur de philosophie, décide en 1934 et 1935, de travailler en usine comme manœuvre à l'entreprise Alsthom, puis chez Renault. Elle voulait vivre la vie d'un ouvrier, partager ses peines, mais aussi éprouver la solidarité et l'amitié.
"Cette expérience, qui correspond par bien des côtés à ce que j'attendais, en diffère quand même par un abîme: c'est la réalité, non plus l'imagination. Elle a changé pour moi, non pas telles ou telles de mes idées (beaucoup ont été au contraire confirmées), mais infiniment plus, toute ma perspective sur les choses, le sentiment même que j'ai de la vie. Je connaîtrai encore la joie, mais il y a une certaine légèreté de cœur qui me restera, il me semble, toujours impossible.
(...) Quand je pense que les grands chefs bolchevicks prétendaient créer une classe ouvrière libre et qu'aucun d'eux - Trotsky sûrement pas, Lénine je ne crois pas non plus - n'avaient sans doute mis le pied dans une usine et par suite n'avait la plus  faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude ou la liberté pour les ouvriers - la politique m'apparaît comme une sinistre rigolade."
(Correspondance de Simone Weil extraite du programme du Festival de la Correspondance de Grignan (Drôme) 4-8 juillet 2012, p. 11.)

lundi 25 juin 2012

Journal du 25 avril 1902

Printemps. Il semble qu'à déjeuner on va manger d'abord quelques brins de lilas, et qu'on finira par une coupe de fleurs de pommiers.

Journal du 25 juin 1902

L'écrivain doit créer sa langue et ne pas se servir de celle du voisin. Il faut qu'on la voie pousser à vue d’œil.

Marguerite Renard parle de sa belle-famille

Lettre inédite
Marguerite, belle-fille de Jules Renard, écrit à Maurice Toesca qui prépare une biographie de Jules Renard:
Montfort l'Amaury le 18 avril 1969

[...] Je n’ai été introduite dans la famille que lorsque j’ai épousé son fils en 1924 : il était mort depuis 14 ans.
Nous vivions à Pougues-les-Eaux, ma belle-mère et sa fille à Paris.
Je n’ai pratiquement pas connu ses familiers, mais fort bien par contre sa sœur, cette merveilleuse tante Amélie  qu’il était impossible d’identifier à Sœur Ernestine !
Elle avait deux filles dont l’aînée Jane morte il y a quelques années vous aurait été fort précieuse.
Elle représentait pour moi le seul lien qui me rattachait à cette famille d’adoption. Je n’avais que des rapports courtois et superficiels avec ma belle-mère qui avait reporté tout ce que son cœur contenait d’amour sur Baie.
Le beau-frère d’un premier mariage de Fantec vient de mourir à Chitry qui pouvait raconter bien des choses sur Jules Renard.
Entre ma fille et ma belle-fille, la fille du premier mariage de Fantec, que j’ai élevée, je me sens bien démunie devant celui dont nous portons le nom et auquel nous vouons sinon une affection véritable pour l’homme que nous n’avons pas connu, du moins une grande admiration pour l’écrivain qui demeure.
Je possède quelques photographies mais elles ont servi si souvent ! Enfin, je vous les montrerai un jour. Les plus précieuses sont celles que j’ai prises moi-même à Chitry en 1924, de Philippe et Ragotte.
Léon Guichard habite Grenoble mais depuis quelques années, il occupe un poste à l’Institut Français de Florence. Mais ce doit être sa dernière année et il doit apporter son manuscrit du 2° volume Pléiade chez Gallimard. Vous serait-il utile de le rencontrer ? Je vous tiendrai au courant de sa présence à Paris.
Donc voici un premier ensemble de renseignements. Téléphonez-moi le cas échéant. Je ne pense pas pouvoir aller à Paris avant une quinzaine de jours.
En attendant cette éventuelle rencontre, je vous adresse mes sentiments les plus amicaux.
M. Renard (M. = Marguerite Renard)
(Fonds Maurice Toesca, IMEC)

dimanche 24 juin 2012

Journal du 24 juin 1899

Je gratte la nature jusqu'au sang.

L'homme ligoté

Suite du blog du 11 juin.
Il pensa que la brièveté dans le discours offrait l'image la plus rapprochée du silence et que la phrase la plus silencieuse était celle qui réalisait la plus grande économie. Il a cru toute sa vie que le style était l'art de faire court. Et sans doute est-il vrai que l'expression la plus concise est ordinairement la meilleure. Encore faut-il entendre: relativement à l'idée qu'on exprime. Ainsi certaines longues phrases de Descartes ou de Proust sont-elles fort courtes, parce qu'on ne pouvait pas dire en moins de mots ce qu'elles disent. 
Mais Renard ne se contentait pas de cette concision relative qui soumet la phrase au sens. Il voulait la concision absolue: il se donnait avant l'idée le nombre de mots qui devaient l'exprimer. L'unique problème qui l'a préoccupé, c'est celui que Janet appelle le problème du panier et qu'il formule en ces termes: " Comment faire tenir le plus de briques dans un même panier?" 
Renard prétend s'être dégoûté de la poésie parce que, dit-il, "un vers, c'est déjà trop long". Dans les romans, ce qui l'intéresse, ce sont les "curiosités du style". Et certes c'est là qu'il faut chercher le moins: car, dans un roman, le style s'efface. Mais Renard n'aimait pas les romans. 
 À suivre.
(Jean-Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947)

samedi 23 juin 2012

Journal du 23 juin 1899

Une feuille tombe, et c'est un grand désastre: elle couvrait un nid.

Marguerite Renard écrit à Maurice Toesca

Document inédit.
Hellerup                                                           18 février 1877
Cher Monsieur,
Voici l'adresse de la librairie française: D. Thomassen, Badstuestraede 6, Copenhague K.
Il y a bien longtemps que je n'ai eu le plaisir  d'arpenter les rues de Copenhague et de jeter un coup d’œil sur le magasin en question un peu à l'écart de la fameuse rue piétonne. Je crois que le choix n'est pas très important.
Il faut souvent commander les volumes. J'aime mieux faire venir de Paris par les uns ou les autres les livres convoités.
Mais je laisse la libraire française à son destin et peut-être, quand le beau temps sera revenu apercevrai-je un jour la tête familière et la silhouette rousse de Jules Renard dans la vitrine et je lui ferai un petit signe amical en pensant à vous.
M. J.- F. Renard (M. = Marguerite, belle-fille de Jules Renard)
Je n'ai pas aimé du tout le livre de P. Schneider dont j'ai reçu  quelque pages dernièrement.
(Fonds Maurice Toesca, IMEC)

vendredi 22 juin 2012

Journal du 22 juin 1894

Au moment où le condamné a la tête dans la guillotine, il devrait y avoir un silence avant que le couteau tombe. Un garde républicain sortirait des rangs et remettrait au bourreau une enveloppe et celui-ci dirait au condamné: "C'est ta grâce!" Et il ferait tomber le couteau.
Ainsi le condamné mourrait dans la joie.

Le mot juste

"Le mot juste! le mot juste! Quelle économie de papier le jour où une loi obligera les écrivains à ne se servir que du mot juste!" (Jules Renard, Journal, 22 novembre 1894.)
Les lecteurs trouveront-ils le mot juste parmi les 300 mots ou expressions faisant leur entrée dans le Petit Robert 2013 paru hier 20 juin? Florilège:
  • Cyberdépendance.  
  • Corium, magma hautement radioactif.  
  • Marée verte. 
  • Gaz de schiste. 
  • Comater, être dans un état de somnolence. 
  • Pipeauter, baratiner.  
  • Psychoter, avoir peur.  
  • Marrade, rigolade.  
  • Subclaquant.  
  • Gloups, interjection exprimant l'étonnement. 
  • Bobun, appellation vietnamienne, salade à base de vermicelle de riz et de boeuf sauté.  
  • Note-book, petit ordinateur plat et léger. 
  • Biopic, film biographique.  
  • Lol, (de laughing out cloud), exclamation soulignant le caractère comique d'un propos...
(Source: Aujourd'hui  en France, jeudi 21 juin 2012)

jeudi 21 juin 2012

Journal du 21 juin 1905

Chariots de foin comme des saules en marche.

"L’œuvre et l'âme de Jules Renard" (Léon Guichard) rééditée


Bonne nouvelle pour tous les renardiens, actuels et futurs. Les Éditions Honoré Champion  annoncent la parution de: 
L’Œuvre et l'âme de Jules Renard 
L'Interprétation graphique, cinématographique et musicale des œuvres de Jules Renard
Réimpression de l'édition de Paris, 1935-1936


Prix EUR TTC: 125.00



SLATKINE
LIEU D'EDITION: GENEVE
PARUTION: 12.06.12

COLLECTION:  
FORMAT: 15X22

838 pages  
BROCHÉS
2 volume(s)

N° SERIE:
ISBN:
EAN:

9782051024341
9782051024341

mercredi 20 juin 2012

Journal du 20 juin 1895

Arrivée à Gérardmer. - Sur le lac, un petit bateau marche à la voile avec un parapluie.
Avec une croisée mi-partie en carreaux rouges, mi-partie en carreaux bleus, on tire deux forêts d'une seule: une en plein incendie, l'autre, noire, brûlée, éteinte. Des nuées blanches s'accrochent aux pins.
Devant moi, un petit paysage sorti d'une boite de Jour de l'An, avec des maisons rouges, des arbres vernis et de grandes toiles blanches étendues sur l'herbe. Des petits chalets qu'on pourrait déplacer en mouillant le bout de son doigt.

Journal d'un poète

J'ai deux sortes d'amis. Des amis tièdes et des amis hostiles [...]
Non, soyons justes, j'ai des amis de trois sortes:
Des amis qui m'aiment
Des amis qui me trompent
Des amis qui me détestent.
(Alfred de Vigny, Journal d'un poète, mars 1844.)

mardi 19 juin 2012

Journal du 19 juin 1899

Les étoiles. Il y a de la lumière chez Dieu

Une lettre inédite de Jules Renard

À Suzanne Desprès
44 rue du Rocher,                                                        27 février 1900
Ma chère Poil de Carotte,
Comment allez-vous? Donnez, je vous prie, de vos nouvelles au porteur.
Vous voyez qu'Antoine nous fait passer vendredi! Je lui ai dit: mais la pièce n'est même pas faite!
C'est affolant.
Voici un texte qui, par prudence, allège votre scène 10 d'au moins deux pages. S'il y a d'autres longueurs, ne craignez pas de me le dire.
Si vous ne passez pas aujourd'hui, pourrai-je aller vous voir, et à quelle heure?
Votre,
Jules Renard
Bien entendu, j'adresse les mêmes modifications à Antoine.
(Nota: se reporter à la lettre de J.R. à Antoine datée du même jour.)

lundi 18 juin 2012

Journal du 18 juin 1899

Les meules de foin comme un petit village de huttes régulièrement disposées, et la lune s'y promène dans les rues.

Á l'école de Jules Renard

Mercredi prochain aura lieu un évènement qui fleure bon l'école de Jules Ferry; la remise d'un grand prix de rédaction à des élèves de CM2 et de 4e. Pourtant, ce concours n'est pas organisé par l'Éducation nationale mais par la Fondation pour l'école, qui aide à la création d'établissements scolaires indépendants. 
Les 1500 élèves qui se sont présentés à ce concours sont issus de 80 écoles en majorité privées, où le français est enseigné comme autrefois. Cependant, l'un des lauréats les mieux classés est issu d'une école communale publique de l'Allier. Son instituteur est connu pour appliquer des méthodes traditionnelles.
Les sujets de rédaction faisaient appel à la créativité des enfants. Les CM2 devaient imaginer un dialogue entre deux tableaux du Louvre, et les 4e inventer une suite à un texte de Théophile Gautier.
L'épreuve comportait aussi un test de grammaire et de culture générale. Un jury d'écrivains a départagé les participants. On peut lire les trente rédactions primées sur fondationpourlecole.org.
(Astrid de Larminat, Le Figaro littéraire, jeudi 14 juin 2012, p. 8.)

dimanche 17 juin 2012

Un jour de juin 1896

Il y a en moi un fonds de grossièreté qui me permet de comprendre les paysans et de pénétrer loin dans leur vie.

Poésie, humour noir ou prémonition?

À l'initiative d'une association hollandaise, Tegen Beeld, un mur de 90 mètres de long abritant la Direction générale des impôts de la capitale, rue Férou (6e), accueille le Bateau ivre d'Arthur Rimbaud. " Comme je descendais des Fleuves impassibles,/Je ne me sentis plus guidé par les haleurs:/ Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,/Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs…"
Ce mur a été inauguré le 14 juin 2012. Le choix de cet emplacement a été dicté par la proximité du restaurant Denogeant aujourd'hui disparu où Rimbaud a lu pour la première fois son poème, en 1871, à un dîner des Vilains Bonhommes.
T.J.


Agrandir le plan

samedi 16 juin 2012

Journal du 16 juin 1906

Patriotisme. Le taureau nivernais refuse quelquefois de regarder une petite vache.

La cote de Jules Renard

Jeudi 14 juin, l'Étude ADER SVV a mis en vente 3 lettres de Jules Renard et quelques autres. Voici le résultat:
Lot 277. Jules Renard à Suzanne Desprès - estim. 400/500 - adjugé 850 €.
Lot 278. Jules Renard à Gustave Larroumet - est.  400/500 - adjugé 700 €.
Lot 279. Jules Renard à Édouard Herriot -  estim.  300/400 - adjugé 650 €.
Les lots 277 et 278 ont été acheté par la Médiathèque de Nevers.
Lot 120. Ed. de Goncourt à Aug. Rodin -  estim.  400/500 - adjugé 2200 €
Lot 121. Ed. de Goncourt à  un critique -  estim.  400/500 - adjugé 1500 €
Lot 211. Guy de Maupassant à P. Ollendorff - est. 1000/1200 - adj. 2700 €
Lot 212. Guy de Maupassant à une dame  -  estim.  700/800 -  adj. 1700 €
Lot 221. Octave Mirbeau  manuscrit signé -  estim.  500/700 -  adj.   450 €
Lot 222. Octave Mirbeau à Édouard Herriot estim.  250/300  - adj. 480 €
Lot 223. Octave Mirbeau à Paul Gsell estimation.  200/250  - adj.  280 €

vendredi 15 juin 2012

Journal du 15 juin 1904

Les grenouillent rient, les deux pattes jointes sur la gorge.

Réponse de Jules Renard à Gustave Larroumet

À Gustave Larroumet,
Lettre inédite. Jules Renard répond à l'article de G. Larroumet. Voir blog d'hier.
17 mars 1902
Mon cher Maître,
Je vais tout de suite à ce qui me chagrine. C'est ce que vous dites de la mise en scène du Plaisir de rompre. Guitry, vous le savez mieux que moi, est un merveilleux artiste. C'est encore un homme au goût le plus rare. Enfin c'est un ami que j'aime beaucoup. Je vous assure qu'il n'a pas pu faire mieux. Vous avez failli voir le Plaisir de rompre dans le salon d'un appartement de 7 à 8000 f. Entre ce luxe et notre petit décor, il n'y a rien:
Tout a brûlé!
J'ai entendu quelque fois cette réponse.
Je ne me plains pas car la Comédie-Française est une une maison délicieuse mais elle souffre encore de son incendie et de ses déménagements.
Vous pensez bien que le reste de votre chronique me touche jusqu'à la confusion.
D'abord je vous remercie d'être venu écouter ce petite acte qui n'avait pas de première, - et je n'en réclamerai pas.
Et puis il m'arrive de me dire que je ne me foule guère, du moins au théâtre. Trois actes en cinq ans, même retravaillés à chaque reprise, c'est peu. Et tout de même Marivaux a cette supériorité de l'abondance.
Je ne vous en voudrais donc pas si vous attendiez autre chose et mieux pour écrire son nom à propos du mien. Je souhaite de justifier votre confiance, mais comme c'est long, trois actes, quand on a beaucoup de peine à en faire un! Elle n'est pas plus précieuse, et je l'accepte avec gratitude.
J.R. termine sa lettre pour féliciter Larroumet du mariage de sa fille.
Croyez mon cher maître à la sincérité de mes meilleurs sentiments.
Jules Renard
(Nota: Créé en 1897 au Cercle des Escholiers, le Plaisir de rompre fut repris le 12 mars 1902 au Théâtre-Français.)

jeudi 14 juin 2012

Journal du 14 juin

Le chat, confiant, croit que mes pieds ont un œil.

Le Plaisir de rompre vu par Gustave Larroumet

Article publié dans le journal Le Temps:
"...Nous attendons maintenant l'auteur à ses grandes preuves, la pièce en trois actes. Pour ma part, j'ai pleine confiance qu'il les fera...
La Comédie-Française a bien fait de reprendre ce Plaisir de rompre car la pièce est typique en son genre. J'aurais même souhaité qu'elle y mit un peu plus de soins et d'égards. elle l'a donnée en lever de rideau. Pour commencer tout au moins, elle aurait pu nous l'offrir en milieu ou fin de spectacle.
En outre, elle a perdu une jolie occasion d’enchâsser un bijou dans une monture appropriée. La mise en scène est quelconque: un appartement plus que simple, avec des meubles vulgaires et dépareillés, des bibelots à bon marché, rien de féminin, rien qui dénote la recherche élégante du plus ordinaire demi-castor.
Or que dit la brochure? "Un petit salon au cinquième. Ce qu'une femme qui a beaucoup aimé et ne s'est pas enrichie, peut y mettre de bibelots offerts, de meubles disparates, d'intimité".
Le metteur en scène avait dans ces quatre lignes l'indication d'un joli tableau d'intérieur. Dix ans de vie galante pour cette femme sans vénalité, cela devait se traduire par le fond de mobilier en palissandre offert par le premier amant, avec un peu de Maple, de modern style et de Lois XVI, voire d'Empire..."
(Gustave Larroumet, Le Temps, 17 mars 1902, extrait)
Lire demain la réponse de Jules Renard à cet article.

mercredi 13 juin 2012

Journal du 13 juin 1894

Le cèdre aux cuisses rouges.

Qu'en aurait pensé Jules Renard ?

L'exemple à ne pas suivre
Un éditeur qui est aussi un libraire a eu l'idée, à tout le moins étrange, de demander à des amateurs de livres comment ils constituaient leur bibliothèque.
Et cela nous a valu, à côté de réponses "d'honnêtes hommes", comme on disait au grand siècle, des déclarations péremptoires - pour ne pas écrire prétentieuses - comme celle de cet agent forestier qui nous dit sans rire, avec un manque absolu d'humour:
"...Il y a dans ma bibliothèque des livres de toutes sortes, mais si vous alliez les ouvrir, vous seriez bien étonné. Ils sont tous incomplets; quelques uns ne contiennent plus dans leur reliure que deux ou trois feuilles. Je suis d'avis qu'il faut  faire commodément ce qu'on fait tous les jours: alors je lis avec des ciseaux, excusez-moi, et je coupe tout ce qui me déplaît. J'ai choisi des lectures qui ne m'offensent jamais. Des Loups j'ai gardé dix pages, un peu moins du Voyage au bout de la nuit. De Corneille j'ai gardé tout Polyeucte  et une partie du Cid. Dans mon Racine, je n'ai presque rien supprimé.  De Beaudelaire j'ai gardé dix-neuf vers et de Victor Hugo un peu moins. De La Bruyère, le chapitre des xxxxx. De Saint-Evremond, la conversation du père xxxxxx avec le secrétaire. De Mme de Sévigné, les lettres sur le procès de Fouquet. De Proust, le dîner avec la duchesse de Guermantes"
On conçoit fort bien qu'un intellectuel  ait des préférences marquées et fasse choix de certains écrivains parmi d'autres, se constitue même une anthologie pour son usage. Mais on a du mal à comprendre cet homme qui se fabrique une bibliothèque de débris. Et l'on s'imagine la tête de ses héritiers - qui n'auront, espérons le, ni ses goût, ni son amour du vandalisme - lorsqu'ils se trouveront en présence de ce bric à brac imbécile...
Comment!? Cet homme n'éprouve pas le besoin de connaître autre chose? Il n'évoluera donc plus - il le sait - et son esprit se satisfera désormais des mêmes nourritures, comme ces estomacs délabrés - parfaitement explicables d'ailleurs - soumis au même éternel menu parce qu'ils ne peuvent plus supporter que le bouillon d'herbes et une viande grillée sans sel?...
Mais la question est plus grave. Il y a suffisamment dans le monde de mauvais écrivains en mal de publication - encore ne sont-ils pas superflus puisqu'ils contribuent à créer ce que l'on nomme "le mouvement littéraire" - mais, par une démagogie dangereuse, pousser l'imprudence jusqu'à solliciter les textes des illettrés ou des sots qui se croient instruits... Ils nous administreront toujours trop tôt la preuve de la sècheresse de leur coeur et de la misère de leur esprit.
(Emile Zavie, l'Intransigeant, 4 mars 1933)

mardi 12 juin 2012

Journal du 12 juin 1906

Certificat d'études. Caporalisme bienveillant d'un inspecteur. Ils disent: "Faites-nous des hommes libres", mais dès qu'un instituteur demande des explications sur une mauvaise note, il reçoit la petite lettre où, avec un étonnement sec, on le rappelle à l'esprit de soumission.

Berthe

La famille a fait avec Berthe un long voyage, et vu des tas de villes, de plaines, de montagnes, de fleuves, de merveilles.
Chacun raconte ses souvenirs.
Berthe laisse parler et quand on a fini:
"Moi, dit-elle, j'ai vu un joli petit chien."
Jules Renard, Bucoliques.

lundi 11 juin 2012

Journal du 11 juin 1902

Rachilde lit ses quarante volumes par mois, à la queue leu leu, sans prendre une note. Elle fait seulement une corne quand elle veut citer un passage, et le jour venu, d'un trait elle écrit son article sur tous les livres qu'elle a lus dans le mois. Mais, bientôt, elle ne pourra plus. Bien qu'elle soit mordante, tous les auteurs, en effet, lui envoient leurs livres. Ils savent qu'au moins elle les lira, en dira un mot, et que ça ne leur coûtera rien.

L'homme ligoté

Suite du blog du 9 mai
Il y avait chez Renard quelque chose de noueux et de solitaire qui l'apparentait au père Bulot: une véritable misanthropie de villageois. Médecin de campagne, juge de paix, maire d'une commune paysanne, il se fût parfaitement adapté à ses fonctions; peut-être eût-il été heureux. Mais ce taciturne avait le goût d'écrire; il est venu faire l'original à Paris, il recherchait la compagnie pour y montrer sa solitude, on redoutait son silence revendiquant dans les milieux qu'il fréquentait; il est venu se taire par écrit.
Il a voulu briller par des ouvrages qui fussent, au milieu des livres diserts de l'époque, comme il était lui-même au milieu des bavards de salon. Ce désir l'eût conduit aujourd'hui à rechercher une formule d'auto-destruction du langage. Cette idée n'avait pas cours en son temps.
 Á suivre
(Jean-Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947)

dimanche 10 juin 2012

Journal du 10 juin 1902

On a beau faire peu de livres: les gens persistent à ne pas les connaître tous.

Jules Renard vu par le docteur Renault

Extrait d'une lettre où le docteur Renault
répond au docteur Tixier, et proteste contre le "paysan parvenu" qu'aurait été Renard, selon Rachilde.
"Renard n'avait rien d'un paysan, ni rien d'un parvenu... C'était un grand anxieux, toujours malheureux, difficile pour lui-même, très indulgent pour ses amis... Un de nos amis communs me disait que Renard n'avait pas compris sa mère très probablement parce qu'il lui ressemblait trop. 
Une de ses dernières lettres, où il reconnait lui-même son erreur d'appréciation, confirme à mes yeux cette opinion d'un condisciple de la pension Rigal, un peu plus jeune que nous.
Vous me dites que Vallette le considérait comme un richard-radin: il n'était ni l'un ni l'autre."
(Extrait publié par Léon Guichard, Dans la vigne de Jules Renard)

samedi 9 juin 2012

Journal du 9 juin 1897

Ils veulent toujours que ça finisse bien! Ils feraient épouser Jeanne d'Arc par Charles VII.

Berthe 〆

Berthe se hausse sur la pointe des pieds contre le mur et réussit à glisser une lettre dans la boite.
Puis elle attend.
"Crois-tu, me dit-elle enfin, que la lettre est déjà un petit peu loin?"
(Jules Renard, Bucoliques)

vendredi 8 juin 2012

Journal du 8 juin 1901

Orage. Éclairs couchants. De longs, espacés, de vilains comme des araignées de feu.
Des hirondelles tournent haut sous un nuage. Je regarde un peuplier immobile et prêt à être foudroyé.

Exposition itinérante Jules Renard

L'association les Amis de Jules Renard met à la disposition des collectivités une exposition itinérante consacrée à Jules Renard
Organisée sous la forme de 20 panneaux (en matériau souple et léger), cette exposition trouvera sa place dans une médiathèque, un établissement scolaire (CDI), une maison de la culture, etc. 
Voir les photos et renseignements dans la rubrique: EXPOSITION JULES RENARD en haut à droite de cette page.

jeudi 7 juin 2012

Journal du 7 juin 1902

Tristan admire l'intelligence de Schwob. Lui, intelligent, est-ce bien sûr?
Le talent de Schwob c'est une mixture de vins, ce n'est pas du vin. Je me moque de cette intelligence. Tous ses contes, il les a empruntés. 
Il a traduit Hamlet et Francesca da Rimini. Il a un style de traducteur exact. 
Pas d'esprit. La préoccupation de savoir des choses que personne ne sait. La mauvaise humeur d'un artiste qui n'a jamais rien trouvé tout seul. Une affectation à ne lire que le livre sale et vieux.
Une âme et un esprit de vieille femme.
Un homme à vous dire: "Êtes-vous content d'avoir sur moi la supériorité de m'avoir prêté cent sous?"
Il me ferait regretter de n'avoir pas été antisémite.

mercredi 6 juin 2012

Journal du 6 juin 1908

Coppée a dit exactement ce qu'il voyait, mais il ne voyait pas.

Jules Renard vu par Paul Claudel

J'ai connu Jules Renard tout au début de ma vie littéraire et je m'étais pris pour son talent d'une vive admiration... J'étais infiniment reconnaissant à Jules Renard, en tant que visuel et en tant que paysan, de sa vision précise et concrète des choses, de ses petits tableaux bien nets qui contrastaient avec la cuisine malpropre des naturalistes.
Je fus donc enchanté de faire sa connaissance par Marcel Schwob. Lui, Schwob, Pottecher et moi, et de temps en temps Barbusse, nous avions un déjeuner hebdomadaire au café d'Harcourt. Puis je suis parti pour l'Amérique en 1893.
C'est en rentrant en 1895 qu'eut lieu ce fameux dîner chez ma pauvre sœur Camille qu'il a décrit plutôt inexactement. Puis cinq ans en Chine. En rentrant je le trouvai ainsi que Pottecher fanatisé par l'affaire Dreyfus. À ce moment, je l'avoue à ma grande honte, j'étais plutôt antidreyfusard, mais surtout l'affaire ne m'intéressait pas et le parti auquel elle servait de drapeau me faisait horreur. Nous rompîmes.
(Lettre de Paul Claudel à Léon Guichard, 26 décembre 1930, extrait, Le Vigneron dans sa vigne.)

mardi 5 juin 2012

Journal du 5 juin 1894

Barrès. Encore un petit âne dans Un amateur d'âmes. C'est une rage. À ce propos, rechercher l'animal préféré de chaque auteur dans ses livres. Moi, j'ai un lapin.

À l'Académie Goncourt, qui succédera à Jules Renard ? 2/2

L'élu sera il est probable, M. Victor Marguerite. S'il se présente, il a toutes les chances , semble-t-il, qui assurent la victoire. Il manqua l'emporter, il y a trois ans, sur Jules Renard. Il compte enfin beaucoup d'amitiés au sein de l'Académie Goncourt.
On ne saurait dire que l'art de M. Victor Marguerite s'apparente à celui de Jules Renard. Leur technique n'est certes pas, de la même souplesse et de la même et de la même étendue. M. Victor Marguerite s'affirme comme l'un des meilleurs continuateurs d'Émile Zola, dans des romans copieux, abondants, bourrés de notes  et de faits, surchargés de description, de portraits et de scènes dramatiques, écrits dans une langue rapide, nerveuse, entraînante, imagée. Il est pourrait-on dire, l'un des derniers naturalistes, en qui survivent la foi, les procédés et les théories de l'école de Médan. Enfin, à côté d'un romancier ardent et fécond, il y a, en M. Victor Marguerite, un polémiste virulent, qui sait gagner à lui toutes les convictions, un défenseur, né de toutes les bonnes causes et de toutes les idées généreuses. 
On parle aussi du grand poète Léon Dierx, pour succéder au grand prosateur Jules Renard. Certes, l'Académie Goncourt s'honorerait en choisissant, entre tous, l'un de ceux qui ont tiré du vers parnassien, les plus purs accents.  Il serait peut-être temps  de donner au beau vieillard modeste la place qui lui est due. Sans doute, les règlements de l'Académie Goncourt ne permettront pas cette consécration tardive.
Il serait bien, enfin, que l'attention des académiciens se portât sur M. Léon Frapié, historiographe attendri du petit monde de la maternelle. Il emporta l'un des prix les mieux justifiés de  l'Académie. Il a gardé le secret de l'écriture goncourtiste, mouvante, trépidante, colorée. La Maternelle, M'ame Préciat, Les Contes de la Maternelle sont des livres de tout premier ordre.
M. Léon Frapié, de l'Académie Goncourt, cela serait très bien.
(Louis Handler, Comoedia, 30 mai 1910).
Nota: comme on le sait, Jules Renard fut remplacé par l'écrivain Judith Gauthier. T.J.

lundi 4 juin 2012

Journal du 4 juin 1902

- Qu'est-ce que ça peut donc bien être un substantif? dit Baïe.
(Julie-Marie dite Baïe, fille de Jules Renard, avait alors 10 ans.)

À l'Académie Goncourt, qui succèdera à Jules Renard? 1/2

On pense déjà à donner un successeur à Jules Renard, à l'Académie Goncourt.  Comme il les connaissait bien ses chers confrères, le bon écrivain aux sourires pincés!  À peine a-t-on descendu son corps dans la fosse que, déjà, dix concurrents intriguent pour obtenir la "suite" du maître de Poil de Carotte et de Ragotte. Car il ne s'agit point, cette fois, d'une "chaise" quelconque à l'Académie Goncourt: il va falloir trouver un égal à J.K. Huysmans et à Jules Renard. On cherchera longtemps.
Il faut bien le dire: la mort de Jules Renard est une perte irréparable pour l'Académie Goncourt. On ne voit point, parmi les candidats proposés, quelqu'un qui puisse lui succéder dignement. Ce petit jeu des intrigues littéraires servira, au moins, à prouver l'exceptionnelle valeur de Jules Renard. Rien ne se perd, même dans le monde des idées...et des vanités.
Je ne sais rien d'amusant comme de considérer la variété de tous ces candidats. On parle à la fois de Mme Tinayre, qui écrit des romans solides et platoniques, de M. René de Boylesve, écrivain subtil et bon prosateur de France, de M. Pierre Mille, remarquable disciple de Maupassant et d'Anatole France, de M. Jean Ajalbert, conservateur de la Malmaison de M. Rémy de Gourmont, toute sagesse et toute science, sage égaré dans une époque de fous, de M. André Gide, à la dialectique louvoyante et perfide, de M. André Suarès, un des plus grands poètes de la prose française et qui sait l'art de penser harmonieusement.
Suite demain
(Louis Handler, Comoedia, 30 mai 1910).

dimanche 3 juin 2012

Journal du 3 juin 1902

Hier matin, je n'aimais pas Shakespeare. Hier soir, le dernier acte de Shylock me remuait une livre de coeur. Du bout du doigt je me frottais le coin des yeux. Est-ce qu'il va me falloir aimer Sakespeare?

3 lettres inédites de Jules Renard en vente à Drouot, Étude ADER

Jeudi 14 juin 2012
Lot n°277
Jules RENARD (1864-1910) écrivain
L.A.S., 27 février 1900, à sa «chère Poil de Carotte» [Suzanne Després]; 1 page in-8 à son adresse 44, rue du Rocher. À la créatrice du rôle-titre de Poil de Carotte [créée au Théâtre Antoine le vendredi 2 mars 1900]. «Vous voyez qu'Antoine nous fait passer vendredi! Je lui ai dit: mais la pièce n'est même pas faite! C'est affolant. Voici un texte qui, par prudence, allège notre scène 10 d'au moins deux pages. S'il y a d'autres longueurs, ne craignez pas de me le dire»

Lot n°278
Jules RENARD
L.A.S., 17 mars 1902, [à Gustave Larroumet]; 3 pages in-8 à son adresse 44, rue du Rocher. «Je vais tout de suite à ce qui me chagrine, dans votre chronique, c'est ce que vous dites de la mise en scène du Plaisir de Rompre. Guitry, vous le savez mieux que moi, est un merveilleux artiste. C'est encore un homme du goût le plus rare. Enfin c'est un ami, que j'aime beaucoup. Je vous assure qu'il n'a pas pu faire mieux. Vous avez failli voir le Plaisir de Rompre dans le calme d'un appartement de 7 à 8000 f. Entre ce luxe et notre petit décor, il n'y a rien: tout a brûlé!»... Il ne se plaint pas de la Comédie-Française, mais elle souffre encore de son incendie et de ses déménagements. Quant au reste de sa chronique, il le touche jusqu'à la confusion... «Et puis il m'arrive de me dire que je ne me foule guère, du moins au théâtre. Trois actes en cinq ans, même retravaillés à chaque reprise, c'est peu. Et tout de même Marivaux a cette supériorité de l'abondance. Je ne vous en voudrais donc pas, si vous attendiez autre chose et mieux pour écrire son nom à propos du mien. Je souhaite de justifier votre confiance, mais comme c'est long, trois actes, quand on a beaucoup de peine à en faire un!»

Lot n°279
Jules RENARD
L.A.S., Paris [1905], à Édouard Herriot; 1 page in-8 à en-tête de la Mairie de Chitry-les-Mines. Il recommande à son collègue «maire de Lyon» M. Moncharmont, «qui pose sa candidature à la direction du Théâtre des Célestins. Par ses qualités d'administrateur et d'homme de théâtre, Mr Moncharmont est tout à fait digne de votre confiance»... Il signe: «Jules Renard auteur dramatique maire de Chitry (Nièvre)»
Étude ADER    http://www.ader-paris.fr/
Jeudi 14 juin 2012 à 14h00 Autographes et manuscrits

samedi 2 juin 2012

Journal du 2 juin 1900

Cette manie que j'ai d'être bon tue peut-être en moi un talent de polémiste qui serait rare. Quand je lis un article de Rochefort ou de Drumont, je me dis parfois: "Oh! les pauvres! c'est tout ce qu'ils trouvent?"

Portrait atypique de Barrès

Claire Bompaire-Evesque rapporte que "Renard s'est intéressé à Barrès beaucoup plus que Barrès à Renard". (Jules Renard et Maurice Barrès, Actes du colloque Un oeil clair pour notre temps, publié par "Les amis de Jules Renard", volume hors-série, année 2011.)
C'est une bonne raison pour s'intéresser à la parution de la biographie de Barrès ainsi annoncée par le Figaro littérairePortrait atypique de Barrès.
"Vingt-cinq ans après une première biographie imposante, François Broche a remis son Maurice Barrès sur le métier. Il publiera en septembre, chez Bartillat, un Barrès plus inattendu, à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de l'auteur d'Amori et dolori sacrum. Un portrait qui insistera sur les aspects méconnu de l'écrivain, notamment son ascendance auvergnate, sa filiation lorraine, son amitié avec Gualta, sa passion pour l'Orient et l'Espagne."
(Figaro littéraire, p. 3, jeudi 31 mai 2012.)

vendredi 1 juin 2012

Journal du 1er juin 1906

Je regarde la nature jusqu'à ce qu'il semble que tout pousse en moi.

Madame de Rorthays de Saint-Hilaire

Rachilde écrit à André Gide pour motiver son refus de communiquer sa correspondance avec Jules Renard: 
30 juin 1913
Je vous dois tout de même une plus ample explication mon cher Gide et je vais vous la donner tout-à-fait entre nous. Les lettres de Jules Renard que je possède sont presque toutes datées de sa prime jeunesse et du temps où il était l'amant de la vicomtesse de Rorthays de Saint-Hilaire, actrice de la Comédie-Française sous un pseudonyme que j'ai oublié. On ne peut pas faire passer ces lettres là sous les yeux de Mme Renard! De plus, la dame en question (qui vit toujours quoique beaucoup plus âgée que J. Renard) est l'héroïne du Plaisir de rompre...et a fait le mariage de Renard avec Mme Renard.
Voilà. Je les garde pour me rappeler les dates que je n'aurai plus en tête sans elles. On y voit un Jules Renard inquiet, torturé du désir d'arriver, faisant des vers assez médiocres... et un très spirituel anecdotier en herbe...
Rachilde
Le volume 13 des cahiers de l'association des Amis de Jules Renard révèle qui était cette Mme de Rorthays de Saint-Hilaire, alias Danièle Davyle, Danièle Davyle... la vraie, pages 76 à 90. Disponible auprès de amisjulesrenard@gmail.com