mercredi 27 février 2013

Jules Renard vu par Gabriel Reuillard 3/4

Suite d'hier.
À force de quintessencier et de tourner par goût - peut-on dire par excès de goût - le dos aux lieux communs, Renard a frisé parfois la préciosité, avec certaines de ses Histoires naturelles. C'est, bien souvent de la bimbeloterie, très jolie, parce que Renard reste, malgré tout, un grand artiste, mais c'est souvent faux et guindé. Quelques-unes de ses descriptions et de ses images sont à la nature ce qu'une bergerie de bazar est au paysage montagnard: du bibelot d'étagère, élégant, chantourné, souvent amusant de formes et de contours, mais aussi loin de la vie que tous les poncifs littéraires si soigneusement évité par l'écrivain.
Erreur momentanée, d'ailleurs, car bientôt, Renard, revenu à des thèmes plus larges, plus humains, surtout avec Nos frères farouches, a retrouvé la large et saine voie de la poésie éternelle, à base d'observation directe, prolongeant, par la douce harmonie des mots, l'émotion profonde du poète: "Qui a éprouvé comme lui, à la lecture des Feuilles d'automne, le frisson brusque et sans cause connue, que les arbres se transmettent en une courte agitation, passe au cœur de l'homme soudain grave et le laisse longtemps troublé." 
Un classique, certes, mais un classique poète bien qu'il y ait aussi du moraliste en lui.  Ce qu'il disait de son compatriote Claude Tillier peut lui être largement appliqué aussi: "Les poètes lui ont donné le goût de la rêverie, de l'image qui peint, du rythme nécessaire à la phrase, si prosaïque qu'elle soit, du mot rare qui frappe, du trait brillant qui éclaire l'idée comme un rayon de soleil presse l'ombre des feuilles."
Poète et moraliste, ai-je dit. comme dans toutes les grandes figures, il y avait, en effet, du moraliste en lui, du redresseur de torts: un Caton dans la république des lettres.
À l'extérieur, c'était un bourgeois janséniste, boutonné dans sa redingote, qui croyait fermement que la vertu finit toujours par triompher par la seule force: "Ma moralité disait-il à peu près - je cite de mémoire - c'est mon squelette."
Cet être d'apparence froid, réfléchi, concentré, passionné qui serrait les dents, avait des explosions soudaines, d'autant plus violentes qu'elles libéraient toutes sortes de forces longtemps accumulées.
Le jour de la condamnation de Zola (23 février 1898), on trouve, dans son Journal, une des pages les plus fortes inspirées à un homme par une écœurante injustice. On pense, en la lisant, à son ancêtre littéraire, Paul-Louis Courier, Nivernais comme lui:
"Zola est condamné à un an de prison et mille francs d'amende.
Suite demain.
(Gabriel Reuillard, Les Maîtres de la plume, avril 1929.)

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