samedi 2 février 2013

En suivant l'ombre de Jules Renard 1/2

"On me donne maintenant cinq sous de la ligne. C'est beaucoup. Mais j'écris des choses concentrées qui ne font pas beaucoup de lignes. D'autre part, c'est cette concision qui fait mon succès. comment sortir de là?"
Cher Jules Renard, le talent ne lui apportait point la richesse et la petite maison de Chitry en témoignait. Ce jour-là, après la mort de Marinette, sa femme, après la mort de Fantec, son fils, un certain jour de l'été 1939, on dispersait les livres de sa bibliothèque.
Ils étaient là, rassemblés comme dans ses livres, les contemporains de Jules Renard, ses modèles, ses héros simples, ses amis campagnards. Ils étaient venus de Chitry, de Corbigny, de Chaumot et de Clamecy, la grande ville.  Mais ils n'osaient point acheter des livres pour la crainte d'entendre leur voix et aussi parce qu'ils ne savaient pas bien lire. Et puis, on disait que l'auteur avait écrit des choses mauvaises. Et leurs enfants ignoraient ce Monsieur qui, disait-on, avait eu du succès à Paris. Et ils restaient là, leurs grosses mains posées devant eux, comme des outils. Ah! quand on vendrait les matelas...
Voilà le père Mignot, lui a connu le Jules. Ils allaient ensemble à l'école.
"Je me le rappelle, dit-il, émerveillé de sa mémoire. Avec sa tignasse rouge, on le voyait par-dessus les haies. Il avait son caractère. Le maire l'appelait Tête de bique. Un jour, il a boudé devant l'inspecteur, pensez..."
- Et sa mère, Mme Lepic...
- On dit qu'il l'appelait comme ça, pauvre Mme Renard. C'était une bien brave dame. Elle nous donnait pour goûter des tartines de pain et de fromages. Ma mère allait en journée chez elle. Elle était couturière et raccommodait Mlle Ernestine, une bien honnête jeune fille.  Mme Renard, elle, piquait peut-être un peu ma mère, avec les épingles, et puis, l'heure, qu'elle ramenait toujours. Mais elle payait pas plus mal que d'autres...
M. Boulé, instituteur retraité à Corbigny a connu Jules Renard, surtout quand il était maire. 
- Nous allions faire des conférences ensemble. Après, on lui a élevé un monument. Mais des gens ont jeté des seaux d'immondice le jour de l’inauguration sur la statue de Poil de Carotte, posée par suzanne Desprès. 
"Il n'y avait  aucun ouvrage de Jules Renard à la bibliothèque municipale de Chitry. Je les ai fait venir et aujourd'hui tout le monde - ceux qui savent lire, naturellement - peut lire les œuvres de notre premier  Chitryen." De l'autre côté de la rivière, a flanc de colline, M. Boulé me désigne la Gloriette, la villa que loua Jules Renard, tout près de ses parents. 
- Le fils de Ragotte habite encore - comme domestique s'entend - la Gloriette. C'est un nommé Chalumeau.
Suite demain. 
(Geneviève Dunais, Radio national, n°66, 23 août 1942)

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