samedi 30 août 2014

Journal du 30 août 1889

Le sommeil est la halle aux souvenirs.Il favorise leur retour.  Il est leur lieu de rendez-vous. Telle cousine que, tout jeune, on a aimée pour la fraîcheur de ses bonnes joues, à la quelle on ne songe plus depuis des années, qui a disparu de la vie éveillée, revient dans le rêve, tentante, colle sa bouche à votre bouche, noue son corps au vôtre, vous met en feu et laisse, au matin, un long, un indéfinissable regret.

jeudi 28 août 2014

Journal du 28 août 1889

C'est désespérant: tout lire, et ne rien retenir! Car on ne retient rien. On a beau faire effort: tout échappe. Çà et là, quelques lambeaux demeurent, encore fragiles, comme ces flocons de fumée indiquant qu'un train a passé.

mercredi 27 août 2014

Journal du 27 août 1895

Tristan Bernard, un homme audacieux, un vrai Parisien. Il a le courage de descendre de bicyclette et d'acheter un cornet de raisin chez la fruitière d'en face, et de le manger tout de suite, sur le trottoir, sous les regards des concierges du quartier.

mardi 26 août 2014

Journal du 26 août 1904

Je n'ai jamais vu un homme plus laid, me dit Marinette.
Il me demande pardon de se présenter dans cet état.
- Je suis couvert de mouches, dit-il.
Comme deux ou trois volent autour de lui, je crois qu'il a une maladie qui les attire; à la fin, j'ai compris qu'il s'agit de vésicatoires. Il m'expose son cas, et tout à coup, baisse la tête avec une affreuse grimace. Va-t-il se trouver mal? 
Mais il a des douleurs, la moitié du visage paralysée, et il faut que ça passe. Quand c'est passé, il reprend la parole.  Il parle correctement. On voit qu'il n'a pas toujours été comme il est.
Il me raconte une histoire de bureau de tabac.
Blessé en 70 à la jambe gauche. Dans une petite boîte en carton il a l'éclat d'obus et les drains de caoutchouc qu'on lui a mis à sa blessure. Demeure à Saint-Martin. Vient quelquefois à Chitry, chez sa sœur Marie-Louise, ancienne servante de curé, naturellement, qui lui fait bien sentir sa férule. 
Il avait une recette de buraliste. Il a dû donné sa démission, victime d'un banquier qui s'amusait avec une directrice des postes, jolie fille. Les yeux du bonhomme clignent de gloutonnerie.

lundi 25 août 2014

Journal du 25 août 1895

Les canards se demandent quel est celui d'entre eux qu'ils verront demain, au lever du soleil, brusquement empoigné par la servante de l'hôtel, serré au cou, les ailes folles, et jeté par terre, bec ouvert, pattes raides, et ne bougeant plus, comme s'il dormait.

dimanche 24 août 2014

Journal du 24 août 1892

Il lui suffisait, pour se donner le droit de paresser, qu'une mouche se posât sur sa feuille de papier blanc. Il n'écrivait pas, de peur de déranger.

samedi 23 août 2014

Journal du 23 août 1905

Ragotte ne sait pas laver dans un baquet. Elle fait un voyage pour laver un torchon à la rivière, dans l'eau qui court. 
Aller à la messe et laver à la rivière, deux vieilles habitudes sacrées.

jeudi 21 août 2014

Journal du 21 août 1906

Petite ville. Les filles du marchand de fer ne veulent pas frayer avec la fille de la marchande de gâteaux. Le fer est plus noble que la pâtisserie, et jamais on ne les voit au magasin, elles.

mercredi 20 août 2014

Journal du 20 août 1889

Lu Le Portier des chartreux. L'homme a besoin, parfois, de se vautrer comme un porc dans ces saletés bêtement écrites et physiologiquement ineptes.

mardi 19 août 2014

Journal du 19 août 1890

Trézenick tient beaucoup à faire ressortir que, si le Roquet prend ce que je lui envoie, c'est parce que cela n'est pas payé.

lundi 18 août 2014

Journal du 18 août 1894

Dans l'admiration qu'on a pour Verlaine, je sens une trop grande part de pitié pour le pilier d'hôpital.

samedi 16 août 2014

Journal du 16 août 1900

Dépêche du ministre Georges Leygues à Edmond Rostand, 13 août 1900. "M. Edmond Rostand, homme de lettres, 29 rue Alphonse-de-Neuville. Cher Monsieur, Jules Renard, que vous avez bien voulu me recommander, aura sa croix. Il passera dans mon mouvement de l'Exposition. Et vous, cher monsieur, vous aurez demain la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Je suis heureux que les hasards de la politique et de la vie me permettent de donner ce témoignages d'admiration à l'un des hommes qui honorent le plus les Lettres françaises. Cordialement vôtre. Georges Leygues."

vendredi 15 août 2014

Journal du 15 août 1898

Bucoliques. Ici, pas de sorciers: les paysans ne croient pas aux sortilèges. Quelques figures sinistres, mais la misère enlaidit.

jeudi 14 août 2014

Journal du 14 août 1894

La lune allonge sur la mer l'ombre des maisons. l'écume des vagues se brise aux dents de l'ombre. Le coup d'éventail lumineux d'un phare tournant.

mercredi 13 août 2014

Journal du 13 août 1904

Maman. Une grande comédienne à qui la vie n'a donné à jouer que des pannes. Baissée dans le jardin, elle nous aperçoit, et reste baissée, et prépare en dessous ses lamentations.

mardi 12 août 2014

Journal du 12 août 1888

Au Grand Bois, après déjeuner. Assis sur un pin au-dessus d'un ruisseau qui court dans une écorce. Des bouteilles se rafraîchissent dans l'eau. Des brindilles s'y trempent, comme ayant soif. L'eau se précipite, blanche avec des flaques claires, glaciales, qui font presque mal à force de fraîcheur. Mon gros bébé se penche sur mon épaule pour voir ce que j'écris. je l'embrasse, et c'est délicieux.

lundi 11 août 2014

Journal du 11 août 1897

- On a huit jours pour répondre à une lettre.
- Oh! pas quand cette lettre est une demande d'argent.

dimanche 10 août 2014

samedi 9 août 2014

Journal du 9 août 1887. Au bord de la mer.

La mer monte, prend les rochers un à un, ensevelit celui-ci, lèche celui-là, écume sur cet autre et montre, à travers son vert de bouteille, comme autant de monstres fantastiques pétrifiés, aux chevelures de varech.

vendredi 8 août 2014

Journal du 8 août 1898

L'éclusier connait les habitudes des perdrix. Le matin, elles viennent boire au canal. Elles restent dans les prés pendant la chaleur. Venu le soir, elles regagnent le plateau où elles picorent et se couchent. Les mariniers sont les meilleurs braconniers. Sur le bateau, ils ont des perdrix comme oiseau d'agrément: par leur chant, elles attirent les autres.

mercredi 6 août 2014

Journal du 6 août 1897

- Si j'apprenais quelque chose, dit-elle, je deviendrais tout de suite tellement exigeante qu'il ne pourrait plus rien faire avec l'autre.

lundi 4 août 2014

dimanche 3 août 2014

Journal du 3 août 1892

Il n'y a plus de place que pour les oeuvres de pure imagination, avec un héros de génie, très fort à l'épée, au cheval, au canot etc., une sorte d’Œil-de-Faucon pour ville.