lundi 30 novembre 2015

dimanche 29 novembre 2015

Journal du 29 novembre 1906

Mes livres sont si loin de moi que je suis déjà pour eux une façon de postérité. Voici mon jugement tout net: je ne les relirai jamais.

samedi 28 novembre 2015

Journal du 28 novembre 1895

De Chevillard:
- Docteur, voulez-vous me dire pourquoi je boite depuis dix minutes?
- Mais, mon ami, parce que depuis dix minutes vous marchez une jambe sur la chaussée et l'autre sur le trottoir.

vendredi 27 novembre 2015

Journal du 27 novembre 1909

Le romantisme, c'est de faire parler les bêtes et de leur faire dire ce qu'on veut. Le réalisme, c'est de se soumettre à leur nature, qui est de ne pas parler.

mercredi 25 novembre 2015

mardi 24 novembre 2015

lundi 23 novembre 2015

Journal du 23 novembre 1888

Pour faire certaines sottises, nous devons ressembler à un cocher qui a lâché les guides de ses chevaux et qui dort.

Actualité renardienne

La revue littéraire Europe consacre son numéro1039-1040 de novembre-décembre à quatre écrivains:
Les frères Goncourt, Jules Renard et Rémy de Gourmont.
Voici le sommaire des pages consacrées à Jules Renard:


P.107 Stéphane Gougelmann..................L'écriture ou la vie.
P.119 Pierre Citi......................................Renard, les "Décadents" et la décadence.
P.129 Denis Pernot..................................Le roman en recension.
P.140 Claude Duvivier............................Le parasite des lettres ou le paradoxe de l'écrivain.
P.151 Jacques-Louis Perrin.....................L'animal épinglé.
P.164 Stéphane Gougelmann..................Jules Renard ou "la culture du moi en ordre dispersé".
P.176 L.-A. Charpentier-Poisson............Voilement et dévoilement du lyrisme.     
P.185 A. Perrin-Doucey et J.-L. Perrin...Le curieux destin d'un inclassable.

dimanche 22 novembre 2015

Journal du 22 novembre 2015

Allais, qui a toujours l'air entre deux vins, pas drôle entre deux vies drôles, entre deux ahurissements. Et sa figure fleurie, ses cheveux d'enfant, sa barbe de fauve apprivoisé pour serre parisienne.

samedi 21 novembre 2015

Journal du 21 novembre 1887

Après un assaut d'escrime, remué par cet assaut comme par une mer, j'en garde le roulis et, le mouvement éteint, l'image du mouvement m'agite et se continue en moi.

vendredi 20 novembre 2015

Journal du 20 novembre 1908

Augustine dit:
- Vous envoyez la lettre, Madame?
- Oui, ma fille.
- Je ne m'en irai pas chez nous. Ma mère ne veut pas de moi. Pourvu que je gagne ma vie, elle se fiche bien de moi. Elle me calotterait. Je ne veux pas m'en aller.
- Je vous mettrai dans le train.
- Je descendrai à la première gare. Je reviendrai à Paris chercher une place.
- Mais si vous n'en trouvez pas? Vous ne savez rien faire.
- Je ne veux pas m'en aller. J'aime mieux être mendiante.
- Vous vous ferez ramasser par les sergents de ville. 
- Alors, j'aime mieux me détruire.
- Vous dites des bêtises. Écoutez, j'ai pitié de vous. Votre mère vous a confiée à ma garde. Cette lettre je ne la déchire pas. Je la garde. A la première bêtise que vous ferez, je l'envoie à votre mère, sans vous prévenir. Elle fera ce qu'elle voudra, mais vous ne resterez pas un jour ici.
- Oh! Madame, je vais bien travailler. Je ne mentirai plus. Je n'écrirai plus de lettres à mon amoureux. D'abord, je ne lui ai écrit que deux fois.  Je ne mangerai plus l'aile du poulet que vous mettez de côté pour Monsieur.  Je ferai bien attention à la poussière.
- Oui, Augustine. Vous n'êtes pas mauvaise: vous êtes trop jeune. Nous avons tort de prendre des bonnes aussi jeunes que vous. Ici, vous pourriez vous faire une vie douce, mettre de l'argent de côté. Vous n'avez qu'à écouter ce que je vous dis. Vous avez bien compris?
- Oui, Madame. Ah! que j'ai eu chaud! Je vais boire un coup d'eau à la carafe. Madame ne me chasse pas?
- Non, pas tout de suite.
- Je reste?
- Oui, provisoirement.
- Ah! Madame va voir! Madame va voir!

jeudi 19 novembre 2015

Journal du 19 novembre 1889

Revu Rachilde, Mme Vallette: un corsage rouge, flamboyant, colliers au cou et au bras, colliers d'ambre. Les cheveux coupés à la garçon, et raides, et va comme je te peigne. Toujours des cils comme de gros et longs traits de plume à l'encre de Chine. Arrivent Dumur, Dubus. Le premier, toujours, colère, le second, neuf pour moi, mais, au bout d'un instant, vieux jeu. Je n'ai plus besoin d'avoir de l'esprit, et il m'est insupportable de retrouver celui que j'avais du temps du Zig-Zag. Dubus parle de gardes-malades qu'il a eues après un duel, je crois. Il n'avait qu'à dire: " Je suis blessé, venez." Elles venaient. Elles étaient une douzaine. Elles ont dû passer leur temps à l'épiler, car il a les lèvres et le menton blancs comme un élève du Conservatoire. Il se marie, on le marie.  Il est en procès avec son grand-père. Il pose, parle, interrompt,  dit des paradoxes vieux comme des cathédrales, ennuie, assomme, mais continue, a des théories sur la femme. Encore! Ce n'est donc pas fini d'avoir des théories sur la femme? Imbécile! tu fais comme les autres quand tu es sur une femme. Tu dis: je t'aime, je jouis, et tu lui bois sa salive simplement, comme un homme. A moins que tu ne sois pas un homme. 
Vallette arrive. On sent qu'il a un domicile. Il se tait suffisamment. Rachilde voit que je m'embête et me parle du bébé. Mais je m'embête tout de même, car j'ai en dégoût l'originalité de Dubus. Il me semble qu'on me fait manger quelque chose pour la millième fois.  C'est peut-être aussi le Chouberski, mais j'ai mal au coeur. On sonne.  C'est Louis Pilate de Brinn'Gaubast. Je me sauve. J'ai à peine le temps de voir une sorte de Méphisto élégant, et puis je crois n'avoir rien vu.
C'est toujours le procédé de Rachilde: faire croire aux autres qu'ils sont plus malin qu'elle. Elle dit: "Vous qui faites de l'art," En effet, ils en font, ils en font trop. Ils puent l'art, ces messieurs. Non! Assez! Plus d'art, que je me débarbouille en embrassant Marinon et Fantec!
Lu des vers de Dubus dans la Pléiade. Ce n'est pas mal, mais pourquoi être si vieux jeu, si épatant, si fastidieusement peu naturel!

mercredi 18 novembre 2015

Journal du 18 novembre 1902

Chez Sévin. Henry Béranger me présente Charbonnel qui me dit:
- Poil de Carotte est un chef-d’œuvre.
- Oui, dit Béranger qui ajoute - pourquoi? - que Jossot a un immense talent.
- Vous êtes comme nous, me disent-ils. vous combattez le bon combet.
Charbonnel m'impressionne comme un curé.

lundi 16 novembre 2015

Journal du 16 novembre 1906

Quelques jours avant la mort du petit Joseph  ils ont vu une lumière se promener dans le jardin. Le Paul l'a vue aussi, mais Philippe a cru que c'était Paul, et, le Paul que c'était Philippe. Quand ils ont su que ce n'était ni l'un ni l'autre, ils ont dit: C'est notre pauvre petit qui est venu nous annoncer sa mort." C'est sans doute Ragotte qui leur a soufflé ça. Ils ne disent pas le contraire. 
La Saint-Martin, fête à Combres. On boit du vin doux qui n'a pas encore fermenté, on mange de la galette aux pruneaux, aux orties, aux poires, à la semoule, ce qui me vaudra trois jours de migraine.  On nous fait passer dans la chambre où il y a un lit.
Le parquet, la danse divisée en deux parties; après la première, le musicien, avec une corde, sépare les danseurs du reste du public afin qu'ils n'échappent pas sans payer. A deux heures, il n'y a personne dehors. Comme il fait déjà froid, les portes sont fermées, mais, par la fenêtre, on aperçoit les gens autour des nappes blanches.

dimanche 15 novembre 2015

Journal du 15 novembre 1888

Les mots sont la menue monnaie de la pensée. Il y a des bavards qui nous payent en pièces de dix sous. D'autres, au contraire, ne donnent que des louis d'or.

samedi 14 novembre 2015

Journal du 14 janvier 1898

Chez Georgette Leblanc. Épaules et bras nus.
- Les hommes, dit-elle, ont le droit de venir comme ils veulent, mais le devoir d'une femme est de se faire toujours la plus belle possible.
Elle est quelquefois très jolie. Elle a un sourire de tout le visage, qui est charmant. Elle chante trois ou quatre fois la même chose, une fois de plus pour l'invité en retard.
- Qu'est-ce que je vais faire maintenant? dit-elle. Je chanterais toute la nuit, des choses que j'aime, bien entendu.

Journal du 14 novembre 1901

Hervieu passe devant le Théâtre-Français.
- Vous sentez l'odeur du triomphe, dis-je.
- Ça ne s'évapore pas , me répond Hervieu.
Un monsieur vient le complimenter et lui dit: "D'ailleurs, je ne puis rien vous dire."
- Voilà un homme aimable, dis-je.
- C'est un em...bêteur, dit Hervieu.
Il se plaint comme si ça n'avait pas marché. C'est admirable!
- On me trouvait sec, dit-il. On me trouve singulier. Et puis, on parle déjà de monter la pièce de Lavedan. J'ai attendu deux ans. J'ai fait entrer le succès dans la maison, et on ne songe qu'à se débarrasser de moi. Et puis, François le Champi touche 9% , et moi, qui attire le monde, je n'ai que 5.
- En effet, dis-je, c'est honteux, mais vous réformerez cela.  Personne plus que vous n'a de titres à dire: "Il faut que ça change!"
Je lui parle de la décoration de Bernard, mais Hervieu a la promesse de Leygues d'une croix pour Lecomte. Il ne voudrait pas compromettre cette croix. D'ailleurs, Bernard n'est pas de la Société des Gens de Lettres. Plus tard...
- Car vous savez, dit-il, que je n'attends pas qu'on me prie quand il s'agit d'être agréable à ceux que j'estime.

vendredi 13 novembre 2015

Journal du 13 novembre 1895

Souper. Mme Rostand est religieuse. Elle se confesse et communie, mais son mari dit que ce n'est pas sérieux, qu'elle s'efforce seulement de croire.
Il est vraiment exquis, Rostand. Il ne fait pas de journalisme, il n'écrit pas dans les revues, à la pensée qu'il pourrait prendre la place de quelqu'un. Mais comme il n'a pas le succès quotidien pour le fouetter, il reste quelquefois désespéré deux ou trois mois de suite. Il est très préoccupé par la misère des autres. Il donne beaucoup. 
Ils ont fait, une fois, souper Richepin jusqu'à quatre heures du matin. . Pour l'y décider, ils disaient: "Vous avez peur de votre femme",  ou "Il vaut mieux rentrer: vous seriez trop fatigué demain matin." Et il restait, et il soupait, comme un misérable. 
- Votre tentative à l'Odéon, me dit Tristan Bernard, fait penser à un bon nageur qui tremperait le bout du pied dans l'eau, la trouverait trop froide et la ferait tâter par un autre.

jeudi 12 novembre 2015

Journal du 12 novembre 1894

Ce que je voudrais être, c'est maître d'école de village, envoyant des articles au journal de l'arrondissement, de petites lettres à la Sarcey, loin des regards sceptiques.

mercredi 11 novembre 2015

Journal du 11 novembre 1888

La vie intellectuelle est à la réalité ce que la géométrie est à l'architecture. Il est d'une stupide folie (procès Chambige) de vouloir appliquer à sa vie sa méthode de pensée, comme il serait antiscientifique de croire qu'il existe des lignes droites.

mardi 10 novembre 2015

lundi 9 novembre 2015

Journal du 9 janvier 1906

Je me mets dans les livres, mais pas dans les réclames de journaux.

Journal du 9 novembre 1887

L'art avant tout. Il restait un mois, deux mois, parmi ses livres, ne leur demandant que le temps du repos et des sommeils, puis tout à coup il tâtait sa bourse. Il fallait chercher un emploi, n'importe quoi, pour revivre. Une longue suite de jours dans un bureau quelconque avec des ronds-de-cuirs, de race ceux-là, il collait des timbres, mettait des adresses, acceptait toute besogne, gagnait quelques sous, remerciait le patron et retournait à ses livres, jusqu'à une nouvelle détresse.

dimanche 8 novembre 2015

Journal du 8 novembre 1887

Ce qui caractérise au plus haut point le style des Goncourt, c'est le mépris hautain qu'ils ont pour l'harmonie, ce que Flaubert appelait les chutes de phrases. elles sont encombrées, leurs phrases, de génitifs accouplés, de subjonctifs lourds, de tournures pâteuses qui ont l'air de sortir d'une bouche pleine de salive.  Ils ont des mots qui sont comme des  ronces, une syntaxe qui racle la gorge, qui font au haut du palais l'impression d'une chose qu'on ne peut pas se décider à vomir.

vendredi 6 novembre 2015

Journal du 6 novembre 1894

Hier à l'Œuvre, Annabella ou Quel dommage que ce soit une prostituée! pièce de Ford, traduction de Maeterlinck, causerie de Marcel Schwob. Respiré tout de même une odeur de barbares. Mais ces incestueux parlent comme deux amants. L'inceste ne devrait être que  l'aboutissement tranquille de deux jeunesses. Si on acceptait l'inceste avec calme, le monde pourrait être refait. Rachilde furieuse parce que je trouve les acteurs au-dessous de tout. Courteline trouve que tous ces gens font bien du chichi. Léon Daudet prétend que toute l'humanité repose sur un fond louche. Maeterlinck se balance avec son air de charpentier arrivé et satisfait.  Le faune Mallarmé file avec douceur entre les couples et tremble d'être enfin compris. Le barbu Georges Hugo porte sur sa large poitrine l'étendard d'un nom illustre. Mme Willy, traînant la corde à puits de ses cheveux, regarde le doux Julia et éclate de rire. Bauër fait le taureau aussi petit que la grenouille, et mon ami Schwob, qui autrefois se rasait la tête jusqu'au sang, a maintenant sur le front un petit saule pleureur, noir, en cheveux plats, qui répond bien à l'état actuel de son âme triste.

jeudi 5 novembre 2015

Journal du 5 novembre 1887

Un air frais, transparent, où la lumière semble mouillée, lavée, trempée dans l'eau très claire, et suspendue comme de fines gazes pour sécher, après une lessive de l’atmosphère.

mercredi 4 novembre 2015

mardi 3 novembre 2015

Journal du 3 novembre 1887

Rester à l'affût de son esprit, la plume haute, prêt à piquer la moindre idée qui peut en sortir.

lundi 2 novembre 2015

Journal du 2 novembre 1895

Papa. Les veines gonflées de ses tempes. Les taupes le travaillent et le ravagent sous la peau.

dimanche 1 novembre 2015

Journal du 1er novembre 1887

Il arrivait, montait mes six étages, et tout de suite c'étaient d’interminables discussions politiques; et, chose bizarre, dans le pauvre cabinet de travail aux murs couverts de petits riens, d'éventails, de typogravures Boussod, d’incroyables portraits, sous le reflet d'une ombrelle rouge, c'était lui, c'étaient ses soixante ans qui parlaient à mes vingt ans de société, de république, d'humanité;  c'était le père qui cherchait à éclairer, avec toute la lumière qu'il croyait contenue dans ses grands mots, à réchauffer le fils, petit jeune homme déjà sceptique et embêté. Je l'ai vu quelquefois, dans ses moments d’ennuis cruels, se révolter, agiter en l'air de petites idées subversives, mais cela passait vite, et il revenait aussitôt à ses bonnes convictions, bien saines, qu'il soutenait avec l'étrange ténacité des vieillards qui ne veulent plus rien apprendre.