Peu d'objets possèdent une utilité supérieure à celle du tire-bouchon, un bateau ne rend pas de tels services, y compris pour les voyages.
Celui que j'ai sous la main (le tire-bouchon) est composé d'un manche en plastique rigide, noir ébène, et de parties érectiles c'est-à-dire dépliables, en acier inoxydable. Au repos, il tient bien dans la paume, il est lourd, ne laisse rien apparaître de ses projets, se présente comme un oiseau des îles aux épaules étroites et hautes, avec un grand bec qui pointe vers le sol. C'est un tire-bouchon qui donne envie de ne boire que de bonnes bouteilles, on ne joue pas avec la dignité d'un tire-bouchon, explorateur de mystères, sans flotter, il nous fait découvrir le monde. Un tire-bouchon nous délivre de nos haleurs.
Un bateau, un livre et un tire-bouchon sont liés par une même intention: la découverte, leurs flancs, sont pleins de la seule chose capable de nous faire vivre mieux, la surprise.
(Henri Lhéritier, Moi et Diderot (et Sophie), Trabucaire éditeur, 2013)