mardi 19 mars 2013

Journal du 19 mars 1895

Chez Claudel, dîner et soirée fantomatiques. Sa sœur me dit:
- Vous me faites peur, monsieur Renard. vous me ridiculiserez dans un de vos livres.
Son visage poudré ne s'anime que par les yeux et la bouche. Quelquefois, il semble mort. elle hait la musique, le dit tout haut comme elle le pense, et son frère rage, le nez dans son assiette, et on sent ses mains se contracter de colère et ses jambes trembler sous la table.
Atelier traversé de poutres, avec des lanternes suspendues par des ficelles. Nous les allumons. Des portes d'armoires que Mlle Claudel a plaquées contre le mur. Des chandeliers où la bougie se plante sur une pointe de fer et qui peuvent servir de poignards, et des ébauches qui dorment sous leur linge. Et ce groupe de la valse où le couple semble vouloir se coucher et finir la danse par l'amour.
Je n'ai pas entendu un mot de ce que disait la mère. Et, pourtant, à chacune de nos paroles elle répondait, faisait sa petite réflexion pour elle seule, ou poussait un soupir.

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