dimanche 8 avril 2012

Jules Renard est un Paul Léautaud bien tempéré

Plus heureux que Paul Léautaud, le produit d'entretiens bien connu, il (Jules Renard) échappait pour jamais à cette chaîne nationale qui est l'instrument hebdomadaire de la montreuse d'ours. (Paul Léautaud avait accédé à une certaine notoriété en 1950 grâce à une série d'entretiens radiophoniques recueillis par Robert Mallet). 
Georges Docquois disait de Jules Renard: "Ce que vous faites, ce sont des feuilles qui tombent des arbres. Les gens qui ne comprennent rien se demandent où est l'arbre..." [...] Jules Renard laissait devant lui cinquante-trois cahiers, bourrés de quelques milliers de notations, souvent réduites à de simples indications, qu'on baptisa Journal, sans trop savoir pourquoi. Pourquoi Journal, parce que le pain, ici,  est émietté au jour le jour depuis 1887 jusqu'en 1910, deux mois avant la fin. Mais les dates n'ont aucune importance. Jules Renard n'est pas un cantonnier des lettres. Il ne travaille pas à la borne. S'il ramasse les anecdotes, et surtout les mots dont l'époque est friande, il ne les met pas en tas. L'importance est ailleurs, dans ces amorces de sentiers aperçues entre chaque ligne, dans ces croquis fulgurants de l'homme et de la femme, des bêtes et des choses, dans cette intimité qui débouche tout droit sur l'univers. Un livre qui n'en finit pas. [...]
Cette alliance du talent et de l'humilité donne son juste ton au Journal. Plus subtil qu'une chronique, moins profond qu'un livre de raison, c'est un ouvrage de mesure où le commun du monde peut se sentir chez soi.
(Antoine Blondin, Rivarol, 22 novembre 1951, et Mes petits papiers, La Table ronde, 2006).

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