samedi 8 septembre 2012

Jules Renard vu par Victor Méric 4/6

Suite d'hier
C'est d'une simplicité extrême. Sur une telle donnée, il était difficile de bâtir un roman très angoissant. Seulement, il arrive ceci, c'est que si l'on met à profit le conseil donné par Jules Renard lui-même, à savoir "qu'afin de juger sainement d'un livre, il faut essayer de se faire les ongles en le lisant, et que si l'on n'y parvient pas, le livre est bon", on renonce dès le début à se faire les ongles. On est immédiatement sous le charme.
On trouve dans ce volume d'un pessimisme léger, où l'on sent une connaissance pas trop méprisante de la sottise et de la lâcheté humaines, des observations précieuses, la notation de détails qu'un œil exercé seul peut percevoir, un sens du comique, un souci de l'exactitude, une finesse de rendu tels que les personnages falots, sans envergure, ni trop noirs ni sublimes, ni trop méchants ni trop bons, banals, quelconques, ordinaires, , deviennent singulièrement familiers et vivants. 
Il faut, pour décrire de tels êtres et les camper solidement, un autre métier que pour souffler la vie à des personnages excessifs. Il faut, pour intéresser le lecteur à d'aussi pauvres gestes, des dons de poète et d'écrivains comme on n'en trouve pas d'exemple dans la littérature. Cela dans une forme adéquate. Le détail précisé dans une phrase rapide.
Chez Jules Renard, ce sont les phrases courtes qui se succèdent, se disséminent, courent, galopent le long de la route. Ce n'est pas l'armée des longues périodes amplement et harmonieusement développées. Ce sont des escouades de tirailleurs légers et alertes. Quelquefois le sujet, le verbe, le complément, et ça suffit.  Le trait y est. Le détail s'y trouve. L'image est fixée.
Suite demain.
(Flag, alias Victor Méric, Les Hommes du jour, n° 63, 3 avril 1909)

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