vendredi 7 septembre 2012

Jules Renard vu par Victor Méric 3/6

Suite d'hier.
La vérité est que Jules Renard n'est pas de ces auteurs dont on peut vanter la fécondité. Ses enfants ne sont pas nombreux. Cela vient de ce qu'avant de confier ses impressions au papier, il réfléchit longuement. Puis, ayant réfléchi, il médite encore. Quand il a suffisamment mûri ses impressions, quand il a vu exactement ce qu'il fallait noter et qu'il a écarté toutes les inutilités encombrantes pour ne conserver que l'essentiel, d'un trait, il fixe la physionomie d'un paysage ou d'un être vivant. Avec ce procédé, il est clair que Jules Renard ne va pas entreprendre de vastes romans, imaginer des œuvres de longue haleine. Il n'est pas fait pour ces grandes machines. Ne lui parlez pas d'agiter, dans ses livres, de surhumaines passions, de faire marcher des foules, d'exposer des problèmes compliqués. Il cherche, au contraire, à réduire l'expression le plus possible. 
Loin d'épuiser une matière,
Il n'en veut prendre que la fleur.
Dans l’Écornifleur, par exemple, il met en scène quatre personnages seulement, M. et Mme Vernet, Henri et la petite pensionnaire Marguerite. Autour, quelques marins. L'histoire est quelconque. C'est celle d'un aimable parasite, vivant aux dépens du ménage Vernet, qui se demande s'il doit ou non coucher avec la femme de son bienfaiteur. C'est tout. Couchera-t-il, couchera-t-il pas? Voilà ce qu'il se demande jusqu'au bout. A la fin, il viole à moitié la pensionnaire, puis, pris de remords, il s'en va avec l'argent que lui donne le mari.
Suite demain. 
(Flag, alias Victor Méric, Les Hommes du jour, n° 63, 3 avril 1909)

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