lundi 14 septembre 2015

Journal du 14 septembre 1906

On a quitté le camarade intelligent, distingué même. Dix ans après, on retrouve l'homme qui ne sait même plus se raser à temps. Prendra-t-il sa retraite à cinquante-cinq ans ou à soixante-cinq? Louera-t-il une maison ou va t-il en faire construire une?
Et on devine qu'il n'a pas le sou.
Il a le meilleur chien: Il ne le donnerait pas pour 500 francs. C'est un petit chien basset qui ne s'amuse qu'avec les souris.
Le vieux garçon égoïste, qui dit que les enfants "complètent", mais qui s'est bien gardé d'en avoir.
Plaisir amer de se rabaisser à leurs yeux, de dire: "Moi, je ne gagne pas beaucoup d'argent", de s'attendrir et de sentir que l'émotion ne les touche pas, et qu'ils ont peur de ce ton confidentiel auquel ils ne sont pas habitués.
Parce qu'il a vu jouer Cyrano et qu'il a lu la pièce ensuite (ce qui n'est pas ordinaire, dit-il, car on lit plutôt les pièces, d'abord), il se croit quitte avec tout le reste de la littérature.
A ce contrôleur principal, ami d'enfance, je suis aussi étranger qu'Ibsen. Le seul hommage qu'il puisse me rendre, c'est de me répéter que Coquelin était épatant dans Cyrano.
Quand il dit:"La morale est chose relative", on sent qu'il est sincère et que, par cette formule, il passe l'éponge sur un tas de petites fripouilleries personnelles.
Il dit de Philippe: "C'est un joyeux viveur." Pour lui, tous les vieux paysans sont des braconniers.

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