samedi 12 mars 2022

Jules Renard et l'Académie Goncourt

Élu président statutairement au bénéfice de l’âge, en remplacement de Huysmans, mort six mois auparavant, Léon Hennique présida le dîner du Café de Paris, le 24 octobre 1907. Ajalbert, Céard, Georges Lecomte, Victor Margueritte, Camille de Sainte-Croix, Jules Renard, A. Retté, Boyer d’Agen, étaient candidats au nouveau siège qui, à cause de l’absence de Mirbeau, de Paul Margueritte et de Rosny jeune, ne fut pourvu que la semaine suivante. L’appui de son frère, d’Elémir Bourges et de Rosny jeune. Donnait de grands espoirs à Victor Margueritte, cependant que Céard avait l’assurance d’être soutenu par Geffroy, Hennique et Léon Daudet. Mirbeau et moi défendions Jules Renard. Renseigné sans doute sur ses chances minimes, qu’il n’avait pas essayé d’augmenter, Jules Renard que j’avais rencontré à une répétition générale, la veille de notre réunion, me pria instamment d’avertir Mirbeau du retrait de sa candidature. 

A quoi j’avais répondu : « Nous n’en ferons rien. Ça ne vous regarde plus. » Il ne me paraissait pas indiqué d’abandonner la partie et je m’abstins de consulter Mirbeau. L’évènement me donna raison… Jules Renard triompha. Je ne me suis jamais targué d’influence. En revanche, je pense que la suite dans les idées et la ténacité constituent une force, et qu’une minorité résolue peut l’emporter sur une majorité flottante. Heureux de l’élection de Jules Renard, nous eûmes hâte de la lui annoncer. Par malchance, il n’était pas chez lui, rue du rocher ; il dînait avec sa femme chez Marthe Brandès et ce ne fut qu’à minuit, à leur retour, qu’il trouva notre carte de visite avec ces seuls mots : « Cette fois, vous l’êtes ! » En réalité il fut très sensible à son élection. 

Lucien Descaves, Mémoires d’un ours.

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