lundi 1 juin 2015

Journal du 1er juin 1905

Marinette a peur que je perde le goût de la vie. Je lui dis qu'il ne faut pas confondre l'ambition vulgaire avec la joie de vivre.
- Avec toi, dit-elle, tout s’arrange. Le taureau ne me fait pas peur. D'un geste tu l'écartes loin de nous.
- Marinette, lui dis-je, j'ai eu peu peur de la mort, et, aujourd'hui, je me vois très bien, en souriant, allongé dans un cercueil. J'ai eu peur de l'orage: je n'y pense plus. J'ai peur encore de souffrir, non de mourir, d'un coup d'épée, et non d'être tué en duel. L'essentiel, c'est que je ne te perde pas; le reste!... J'ai renoncé à tout ce que recherche un Hervieu: je n'ai pas renoncé au principal. J'avais peur de certaines idées: je n'ai plus peur d'aucune. J'admets tout, sauf qu'on fasse souffrir l'être qu'on aime, et même, simplement, qu'on fasse souffrir. Tu m'as empêché d'être un poète satirique. Je suis un poète élégiaque. Je garde en moi un fond de naïveté qui est une éternelle jeunesse. Je défie tout ce qui est beau, vivant et simple, de ne pas m'impressionner.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).