dimanche 1 mars 2015

Journal du 1er mars 1905

Enterrement de Schwob. Pourquoi les hommes de lettres ne font-ils pas, de leur vivant, les discours qu'ils désirent entendre après leur mort? Çà leur prendrait cinq minutes de leur vie, avant la mort.
A cause de Villon, il habitait rue Saint-Louis-en-l'île. Quelqu'un demanda à un fruitier de cette rue:
- Qui emmène-t-on?
- Un poète, dit le fruitier.
Ce qui résume assez mal Schwob.
M. Croiset fait un discours banal, mais le son de voix fait aimer ce vieux professeur.
Inquiétude d'avoir un chapeau melon; il est vrai que Jarry a une casquette garnie de poils.
Près de la tombe, le Chinois de Schwob, habillé en civil.
Georges Hugo, l'air déjà, d'un vieux beau qui serait maladroit à se faire une tête.
Dans un caveau provisoire on descend Schwob. Il descend, il descend jusque dans l'autre monde.
" Faites-moi un bout de conduite: ça me sera très agréable, mais je vous en supplie, ne restez pas découverts si vous avez peur d'attraper un rhume. S'il fait beau, n'apportez pas vos parapluies. Des couronnes? Enfin, soit, s'il y en a de laurier.
Et puis, ne prenez donc pas  ces airs tristes qui vous enlaidissent! Prenez garde de me ressembler.
Et puis, ne dites donc pas que j'ai toutes les qualités! vous savez bien que non, mieux que moi. Surtout, ne dites donc pas que j'avais bon caractère. D'avoir bon caractère, ce n'est pas une vertu: c'est le vice éternel, et vous bien combien je détestais qu'on m’embêtât. Soyez émus, si vous pouvez, quelques-uns. que les autres soient souriants et spirituels."
Et pourquoi n'applaudit-on pas à un discours funèbre? Ça ne gênerait pas le mort  qui est sourd, et ça ferait bien plaisir à l'orateur qui ne sait que faire de ses feuilles manuscrites quand le voisin lui rend son chapeau.

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