jeudi 18 décembre 2014

Les enfants dans les prisons anglaises au temps de Jules Renard

J'ai vu les trois enfants moi-même le lundi qui a précédé ma libération. Ils venaient d'être condamnés et se tenaient debout dans le hall central en uniforme de prisonniers, leurs draps sous le bras, avant d'être envoyés dans les cellules qui leur étaient assignées. C'étaient de très petits enfants. Le plus jeune était un tout petit bonhomme pour qui, de toute évidence, il avait été impossible de trouver une tenue à sa taille. Bien entendu j'avais vu de nombreux enfants en prison au cours des deux années pendant lesquelles j'avais moi-même été incarcéré. La prison de Wandsworth, surtout, contenait toujours un grand nombre d'enfants. Je n'ai pas besoin de vous dire à quel point je fus affligé de voir ces enfants à Reading, car je savais quel traitement les attendais. La cruauté exercée jour et nuit sur les enfants dans les prisons anglaises est incroyable, sauf pour ceux qui ont été les témoins et connaissent la brutalité du régime.
Les gens aujourd'hui ne comprennent pas ce qu'est la cruauté. [...] En conséquence, étant enlevé à ses parents par des gens qu'il n'a jamais vu et dont il ne sait rien, et se trouvant isolé dans une cellule inconnue, abandonné à des étrangers, commandé et puni par des représentants d'un système qu'il ne peut comprendre, l’enfant devient immédiatement la proie  de la première émotion, la plus importante provoquée par la vie moderne en prison: L'émotion de la terreur. La terreur d'un enfant en prison est sans limites.
(Oscar Wilde, Quelques cruautés de la vie de prison, lettre à l’éditeur du "Daily Chronicle", 28 mai 1897)

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