mercredi 16 octobre 2013

Journal du 16 octobre 1887

Elle vit avec 39 francs par mois et n'achète pas  de livres dont le prix dépasse quatre sous. Elle a, pour l'entretien de son poêle, toute une théorie, et ne consent à en rejeter la cendre que quand elle est blanche et fine comme de la poudre de riz. Comme dessert, des noix en toute saison, parce que les coquilles se brûlent. Elle a un monstre qui la dévore, une pieuvre qui la suce: l'omnibus. Qu'on en juge! Quatre omnibus par semaine font 4 fr.80 par mois, qu'il faut déduire d'une leçon de 40 francs. Avec cela, gaie, prenant la vie par les fleurs, le soleil, tout ce qui brille, tout ce qui chante, tout ce qui sent bon gratis, heureuse peut-être. L'hiver est sa terreur. Il augmente la dépense.
A ses murs pendent des chromos, mais elle a su si bien choisir qu'elles sont réjouissantes pour la vue comme des peintures fraîches. L'objet d'art est une faïence peinte par elle, où s'enlacent des lisérés ténus, de pauvres lisérés.
Tellement sincère qu'elle ajoute à la vérité par mégarde, avec un Dieu Alphonse Karr, et un demi-satan, Zola, qu'elle repousse par propreté.
"J'admire son talent. Toutefois, dit-elle, ne lui en demandez pas plus long."
Au théâtre, dans l'étouffement des loges, elle quitte son jupon de dessous.
En musique ni l'opéra, ni l'opérette: l'opéra-comique.

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