samedi 31 octobre 2015

Journal du 31 octobre 1887

Au réveil d'un doux rêve, on voudrait se rendormir pour le continuer; mais vainement on s'efforce d'en ressaisir les vagues traces, comme les plis de la robe d'une femme aimée disparaissant derrière une portière qu'on ne pourrait soulever.

vendredi 30 octobre 2015

jeudi 29 octobre 2015

mercredi 28 octobre 2015

mardi 27 octobre 2015

Journal du 27 octobre 1893

Un acteureau me dit qu'il devait jouer un rôle dans une pièce de... mais qu'il aurait fallu coucher avec lui, et qu'au premier attouchement de ce monsieur, il lui aurait montré qu'il n'était pas de ces gens-là, lui!

Poil de Carotte de retour à Bains-les-Bains

BAINS-LES-BAINS. -
 Poil de carotte. Le roman. L’œuvre de Jules Renard qui a marqué notre enfance. Son autobiographie qu’il a rédigée à l’âge de 30 ans. L’histoire de ce petit garçon roux plein de tendresse à la bonne bouille ronde parsemée de taches de rousseur. François, le benjamin de la famille Lepic. Le mal-aimé. Le souffre-douleur de sa mère qui lui préfère l’aîné Felix comme la cadette Ernestine. 
Ce samedi soir (24 octobre) à Bains-les-Bains, les spectateurs sont venus applaudir le film réalisé en 1983 par Christian Nardin et tourné avec quatre de ses élèves du collège balnéen, là où il a été professeur de français. Le film d’un peu plus d’une heure est tiré non pas du roman mais de la version théâtrale de Jules Renard. Des aventures de Poil de carotte toujours drôles et émouvantes à la fois mais légèrement différentes. Dans cette mouture, point d’Ernestine. Pas plus de Félix si ce n’est juste une brève apparition dans le générique. Et Annette, une nouvelle bonne. 
Coup de théâtre, les spectateurs ont pu constater que Poil de carotte n’avait ni de cheveux roux, ni de taches de rousseur ou alors quelques-unes, par-ci, par là. Mais alors pourquoi : « Tout simplement parce que la mère de Poil de carotte voyait rouge lorsqu’elle apercevait son bouc émissaire de fils. Elle impose son regard dans le roman qui a souvent été prêté au cinéma. Si on lit bien le texte du roman, nulle part il est dit que cet enfant est roux », explique le réalisateur. 
Après 1 h 10 de projection, les lumières se sont rallumées. Les yeux des spectateurs étaient bien humides pour bon nombre d’entre eux. 32 ans plus tard, Poil de carotte (joué par Henryk Sudol) est là dans la salle. Il a toujours autant de plaisir à se regarder jouer et toujours avec autant d’émotion : « Tourner ce film a été un tournant de ma vie. En pleine période de l’adolescence. En pleins tourments familiaux avec la séparation de mes parents. Ce film m’a amené sur le bon chemin avec tellement de choses fortes qui en ressortent. Il m’a servi pour l’éducation de mes trois enfants. » Tous sont unanimes. « C’est un film qui continue à vivre, qui reste d’actualité. Les incompréhensions qu’il peut y avoir entre les parents et les enfants existent toujours. » Et des enfants troublés qui se retrouvent dans le texte et dans les images. Poil de carotte, la version théâtrale de Jules Renard ? C’est une belle leçon de vie. 
(Laurence MUNIER, Vosges Matin, 26 octobre 2015)

lundi 26 octobre 2015

Journal du 26 octobre 1892

Parfois, il se croyait grand artiste, voulait dompter la vie, et, pataud, ne parvenait à faire que de lourdes bêtises.

dimanche 25 octobre 2015

Journal du 25 octobre 1895

Chaque commune a maintenant une assistance médicale; et puis, nous donnons du pain aux pauvres. Il y a des malheureux à Chitry, mais pas un mendiant. Il est interdit aux mendiants de quitter leur commune.  Avec un morceau de pain et deux ou trois noix on se nourrit. Il m'en est venu deux de Saint-Révérien, un aveugle conduit par une jeune femme.
" - Mais, lui dis-je, est-ce que votre femme ne pourrait pas travailler au lieu de vous promener comme ça toute la journée,
" - Oh! monsieur le maire, nous rapporterait moins.
" Je leur ai tout de même donné un sou, en leur disant de ne plus revenir, je les ferais arrêter. Puis, je les ai regardé partir par la vieille route. Je les entendais rire. Ils se moquaient de moi."

samedi 24 octobre 2015

Journal du 24 octobre 1891

Vu ce matin M. Paul Ollendorf. A la goutte. Est-ce pour ne pas se lever quand un visiteur entre? Soulaine, le chef des corrections d'épreuves, a sur le visage comme un reflet de Trézenick. Ollendorf m'a fait le discours connu sur le succès d'estime qui m'attends certainement, et le succès d'argent qui m'attend aussi, mais avec moins d'impatience.

vendredi 23 octobre 2015

Journal du 23 octobre 1887

Chez moi, un besoin presque incessant de dire du mal des autres, et une grande indifférence à leur en faire.

jeudi 22 octobre 2015

Journal du 22 octobre 1909

Première plus belle encore. Trois rappels au premier acte, quatre au second. Acclamtions. Amis jamais aussi émus.
Très bonne presse, un peu mêlée de mépris clérical.  On m'appelle Homais et mufle.
chaque fois, j'ai écouté derrière la toile sans émotion.
Maurice Rostand m'embrasse. Mme Rostand vient voir: explications, malentendu.
le dimanche, 3000 de recette, puis baisse subite à 1300.
Antoine ne veut pas que je publie la bigote à Comoedia; ça va tout tuer. Rouché veut la publier, puis il se fâche parce que je ne romps pas assez vite avec Comoedia.
Pas de manifestations. Une femme quitte le balcon.
Les machinistes regardent et rient. Courteline, vexé trouve ça ignoble. Calmette navré: pièce anticléricale.

mercredi 21 octobre 2015

Journal du 21 octobre 1887

Élever la boulangerie à la hauteur d'une institution nationale: pain gratuit et obligatoire.

mardi 20 octobre 2015

Journal du 20 octobre 1907

Le directeur de théâtre ne mesure pas la valeur d'un critique au tirage de son journal. Il les place par ordre de talent.. A l'homme de génie, une loge; à l'homme de talent, deux fauteuils aux premiers rangs. D'ailleurs, il ne les juge pas une fois pour toute: il les surveille. Pour un bon article, on peut avancer de deux rangs, pour un mauvais, reculer derrière quelques chapeaux de dames  connues et n'avoir qu'une place. On ne supprime jamais tout à fait le service: le critique ne souffrirait plus.
Le directeur ne se trompe jamais. si cela lui arrive, c'est parce que tout le monde se trompe. Personnellement, il reste infaillible.

lundi 19 octobre 2015

Journal du 19 octobre 1890

J'attends ce soir Émile Bergerat. Mettre d'un côté l'idée que je m'en fais et, de l'autre, l'impression qu'il me produira.
Vu Bergerat. O gloire! Un gros homme coiffé d'un chapeau mou, vêtu d'un jersey bien élégant, tout gris, des yeux de fouine, un nez idem, et des bottines, et ces élastiques de bottines! Nous sommes allés prendre des bocks. Nous étions une dizaine, tous éblouis de le voir en homme naturel. Il nous prenait par le bras, nous disait: mon vieux, mes enfants, si vous étiez malins, vous feriez ça. Il dit de mon escalier: voilà l'escalier où je vais mourir. Je lui demande:
- Vous avez fait un Gautier bien intéressant, dans vos Entretiens?
- Oh! oui, mais j'ai ajouté beaucoup, vous savez. 
- Et le Gautier des Goncourt, comment le trouver vous?
C'est pas ça. Gautier disait merde, mais en gentilhomme. Ma vie a été bizarre. Dès mes débuts, j'ai dû accrocher quelque chose, frotter une borne qui m'a fait dévier. Je n'ai pas eu un succès de cinquante mille francs, comme tout le monde peut en avoir. J'ai des charges, de la famille. J'aimerais mieux crever, disparaître.
il trouve inepte les chroniques de Fouquier.

dimanche 18 octobre 2015

Journal du 18 octobre 1908

Rouché, le directeur de la Grande Revue, vient me transmettre les compliments de ses lecteurs pour Ragotte et me faire des offres. Il m'achèterait un droit de première vue sur ma copie; il me paierait ça 1 800 francs par an. Je le sens roublard, hésitant, avare, et, moi, je me sens stupide d'indécision et de modestie, et je le sais.
Et puis, il me demande si j'ai jamais fait de la critique.

samedi 17 octobre 2015

Journal du 17 octobre 1900

Ils ont été admirables, hier soir, à Poil de Carotte. Il voulait absolument voir ça. Il aurait l'air trop bête, là-bas, si on lui demandait: "Avez-vous vu Poil de Carotte?" et s'il répondait: "Non"
J'arrive dans la loge, les mains vaguement
Lui, rien. Elle a les yeux mouillés tendues, comme c'est l'usage. Si Marinette n'avait pas été là pour me donner la sienne...
Lui, rien. Elle a les yeux mouillés, mais parce qu'elle a vu des fantômes. Et ils rient gros aux Gaîtés de l'Escadron.
Pour les mettre sur la piste, je dis:
- Ils ont mal joué, Antoine me l'a dit.
- Non! non! dit-il. Je n'ai rien trouvé, moi.
Et elle:
-  Oh! c'est parfait.
Un peu plus tard, ils trouvent que les décors sont bien. Il affirme:
- La grille est épatante. Et la fenêtre de la cuisine! On croit y être.
- J'aimerais mieux, dit-elle, qu'Antoine ne parle pas,  parce que ça détruit mon illusion.
C'est tout, et il faut bien que je m'en contente.
Il m'explique qu'il a acheté les Gaîtés de l'Escadron en livraisons, et que, quand il veut rire un quart d'heure.. Courteline a dû faire ses cinq ans. Il faut avoir passé par là.
Et, par-dessus le marché, je paie le vestiaire.
Tout de même, la nuit passée, elle a dû avoir des remords.  Ce matin, elle dit à Marinette:
- Tu comprends? J'avais la gorge serrée. Je n'ai rien pu dire à Jules. D'ailleurs, c'est le meilleur éloge qu'on puisse lui faire.
Ainsi tâche-t-elle de se rattraper, mais elle ne tâche qu'un fois.
J'ai de sombres éclipses où la lumière se recrée.

vendredi 16 octobre 2015

Journal du 16 octobre 1895

- Du courage. Selon le mot de Diderot: Élargissez Dieu.
Formules pour accuser réception des livres:
- Voilà un livre qui est bien à vous, mon cher ami, et je suis heureux de vous le dire.
- Merci! J'emporte votre livre à la campagne. Je le lirai sous les arbres, au bord de l'eau, dans un décor digne de lui.

jeudi 15 octobre 2015

Journal du 15 octobre 1887

Il s'agitait d'être un homme qui pourrait se vanter de n'avoir jamais regardé le portail de Notre-Dame et de n'avoir jamais mis les pieds à l’Opéra.

mercredi 14 octobre 2015

Journal du 14 octobre 1907

M. François-Guillaume de Maigret vient de la part de Messidor. Il me demande si je lis Messidor et si je suis candidat à l'Académie Goncourt.
- Pour ne pas répéter "Jules Renard", dit-il, je vais mettre: "L'auteur de..." Quel est celui de vos livres que vous préférez?
- On m'appelle surtout "l'auteur de Poil de Carotte".
- Il n'y en a pas un autre que vous aimeriez?
- Mettez: Histoires naturelles.
- Oh! non.  Il me faut le titre d'un de vos livres, d'un livre que vous aimiez  plus que les autres.

mardi 13 octobre 2015

Journal du 13 octobre 1906

Furieux parce que sa femme est malade et qu'il est obligé de se servir tout seul, quand on lui demande de ses nouvelles il n'a pas l'air de la connaître.

dimanche 11 octobre 2015

Journal du 11 octobre 1905

Réponse à Jules Huret, pas envoyée.
Je donnerais volontiers ma pièce à un théâtre vide, sans directeur, sans acteurs, sans public, et sans presse.
Une répétition générale est toujours un supplice.
Quoi! Ce monsieur à qui je ne trouve aucun talent va peut-être dire que j'en ai?
Le plus bel éloge ne fait pas plus plaisir qu'une banale politesse, et toute critique me paraît une grossièreté.
On s'habitue vite au silence des journaux.
Dans l'analyse de la pièce d'un autre, je ne reconnais  jamais la pièce que j'ai vue moi-même. Pourquoi la critique serait-elle plus raisonnable quand il s'agit de moi?
Un article de M. Faguet amuse ou ennuie, mais quel rapport a-t-il avec la justice littéraire? Il y a trois ou quatre critiques de talent, mais, le reste, pouah!
Je ne sais pas ce que c'est qu'une maison de commerce, mais je sais bien que le théâtre est l'endroit où l'on parle le plus d'argent. Je ne connais qu'un directeur qui ait le courage de maintenir sur l'affiche une pièce qui ne fait pas d'argent, et, encore, je ne veux pas le nommer: il me ferait un procès.
Un directeur a ce droit: il n'en usera jamais.
Un auteur, s'il a une âme de poète, ou de sage, peut se passer de réclame, mais un directeur, un acteur, une actrice! Essayez, même pour une reprise, de ne pas convoquer la presse!
Et puis, ne nous lassons pas de le répéter: directeurs, acteurs , auteurs, c'est un monde d'aimables fous.

samedi 10 octobre 2015

Journal du 10 octobre 1907

Comme je lui dis d'aller chercher mon calepin et mon crayon:
- J'y cours, dit Baie. Tiens bien ton idée, papa!

vendredi 9 octobre 2015

Journal du 9 octobre 1897

Le but, c'est d'être heureux. On n'y arrive que lentement. Il y faut une application quotidienne. Quand on l'est, il reste beaucoup à faire: à consoler les autres.

jeudi 8 octobre 2015

Journal du 8 octobre 1895

Allais me dit hier soir qu'il a vu Schwob dans un misérable petit café, sirotant, effondré, un verre de liqueur noire.
Il n'y a que les hommes de lettres qui soient capables de piétiner un sujet de conversation avec une telle opiniâtreté. Ce sujet, c'était les Tenailles de Paul Hervieu. Allais déclare que la pièce l'a tout bêtement empoigné.  Capus proteste contre cette sècheresse d'Hervieu, ce manque d'humanité, d'intérêt, ce parti pris de froideur. aucune émotion, dit-il. Des phrases où il n'en faut pas.  Il est aigre, ce soir, Capus, et il prétend qu'il faut comprendre la critique comme Rochefort et Drumont comprennent la politique: avec partialité et indignation. 
- Je rencontre, dit Allais, Hervieu qui me dit: "Crois-tu que j'ai de la guigne! Le Français fait relâche ce soir à cause de la mort de Pasteur! "Et il a 15 000 francs de rente!
Et Allais ne rit que du coin de la bouche, ou il se met la main sur les lèvres pour cacher l'âge de ses dents.

mercredi 7 octobre 2015

mardi 6 octobre 2015

Journal du 6 octobre 1906

J'aime passionnément la langue française, je crois tout ce que la grammaire me dit, et je savoure les exceptions, les irrégularités de notre langue.

Actualité littéraire

Relire Daphné du Maurier.
Suite au double succès public de la biographie de Daphné du Maurier par Tatiana de Rosnay et de la nouvelle traduction de Rebecca Francis Esménard, PDG des éditions Albin Michel et grand fan de la romancière anglaise, a décidé de publier un volume regroupant ses "romans de Cornouailles": à savoir L'Auberge de la Jamaïque, La Crique du Français et Ma cousine Rachel. Sortie aujourd'hui avec une préface de Tatiana de Rosnay.
(Le Figaro littéraire, jeudi 1er octobre 2015, p.5)

lundi 5 octobre 2015

Journal du 5 octobre 1895

La matin au travail. Brumes d'abord, quelquefois impénétrables. Et, peu à peu, il fait clair. C'est comme un petit soleil qui s'élève lentement dans le cerveau.

Intermède

La lune blanche...
La lune blanche
Luit dans les bois;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée.../ Ô bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
du saule noir
Où le vent pleure../ Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
que l'astre irise.../ C'est l'heure exquise.
(Paul Verlaine, La Bonne Chanson)

dimanche 4 octobre 2015

samedi 3 octobre 2015

Journal du 3 octobre 1907

Critique dramatique.
- Quelle indulgence!
- Laissez donc! Le mérite, s'il y en a, reste le même. Il est aussi difficile de faire des compliments faux que de la critique sincère.

vendredi 2 octobre 2015

Journal du 2 octobre 1908

Je connais aussi l'art de me faire dire des choses désagréables en les disant d'abord moi-même: on dit comme moi.

Actualité littéraire

Gourmont retrouvé
A l'occasion des cent ans de la disparition de Rémy de Gourmont, "Les Cahiers rouges" vont publier une anthologie de ses textes, puisée dans ses meilleurs ouvrages (Le livre des masques, Promenades littéraires...) Parution prévue le 30 septembre, sous le titre Le téléphone a-t-il autant que cela augmenté notre bonheur? Entre-temps, les éditions du Sandre auront publié le troisième volume de sa correspondance.
(Le Figaro littéraire, jeudi ? septembre 2015.)

jeudi 1 octobre 2015

Journal du 1er octobre 1887

A voir un chinois, on se demande ce que peut bien être le masque chinois.

Intermède

A Madame G.
 
Dans dix-ans d'ici seulement,
Vous serez un peu moins cruelle.
C'est long, à parler franchement.
L'amour viendra probablement
Donner à l'horloge un coup d'aile. 

Votre beauté nous ensorcelle,
Prenez-y garde cependant:
On apprend plus d'une nouvelle
En dix ans.

Quand ce temps viendra, d'un amant
Je serai le parfait modèle,
Trop bête pour être inconstant,
Et trop laid pour être infidèle.
Mais vous serez encor trop belle.

(Alfred de Musset,  Carpe Diem)