vendredi 12 décembre 2014

Van Gogh au temps de Jules Renard

Décembre 1887. Une rue de Paris, un piéton frileux, bizarre par son accoutrement, peau de bique et bonnet de fourrure, la barbe rousse hérissée, les mains blanches et harmonieuses, l’œil clair... Tel le décrit Gauguin, qui le vit entrer hâtivement chez un marchand de vieille ferraille et tableaux peints à l'huile à bon marché. 
- C'est une petite nature morte, des crevettes roses sur un papier rose...
- Mon Dieu! la clientèle devient difficile, puis votre peinture n'est pas gaie... Enfin, voilà cent sous. 
Le pauvre artiste prit la pièce sans murmurer, remercia et sortit. Péniblement il remonta la rue. Arrivé près de son logis, une pauvre (sic) sourit au peintre. La belle main blanche sortit du paletot... et la pièce de cinq francs devint la propriété de la malheureuse. Les Crevettes roses. L'auteur ajoute  qu'il faudrait donner aujourd'hui des centaines de mille francs pour une nature morte de ce genre de Van Gogh.
(Paul Léautaud, Journal littéraire, 15 janvier 1936, p. 786, Folio)

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