mardi 22 janvier 2013

Sur Jules Renard 1/2

 Jules Renard
L'Action française sous la signature de Rivarol (alias Léon Daudet) publie l'élogieuse appréciation suivante du talent de notre compatriote d'adoption, le regretté Jules Renard:
Le remarquable écrivain qui vient de mourir prématurément, hier matin, après une maladie de trois mois, était parvenu au grand public sans réclame ni publicité d'aucun genre, et c'est déjà là, à notre époque, une forte originalité.
Son premier ouvrage, Crime de village, passa inaperçu. Mais le second, Sourires pincés, tint les promesses de son titre et révéla un prosateur minutieux, précis, amer, de la lignée de Jules Vallès, avec quelque chose d'encore plus net et pénétrant dans le trait.
Avec Poil de Carotte, petit Jacques Vingtras rustique, la réputation de Jules Renard fut fondée dans les milieux littéraires, et elle devait de là se répandre un peu partout. On lui doit d'admirables Histoires naturelles d'un tour classique qui l'apparentent à la fois aux maître hollandais (Ver Meer, Terburg, Pierre de Hoogel) et aux malicieux conteurs du seizième siècle.
Sa verve était courte mais dure.  Il avait spontanément le sens du théâtre et son Plaisir de rompre, joué un nombre incalculable de fois, est un chef d’œuvre d'ironie bourgeoise. Par malheur, sa Bigote, révélait en lui un anticléricalisme de bourgade, absurde et désuet, qui déparait son intelligence.
Dans ces dernières années, le talent de Jules Renard avait pris plus d'ampleurs. La manière aussi se dégageait de cette imitation de soi-même qui restreint parfois les meilleurs artistes. Ragotte et Nos frères farouches annonçaient une transformation, un éclaircissement et ouvraient des perspectives nouvelles.
Suite demain.
(Paris-Centre, (Nevers) non signé, mardi 24 mai 1910.)

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