lundi 9 janvier 2012

Jules Renard vu par Jean-Louis Trintignant 2/2

Il y a une grande lucidité aussi dans ce Journal et même parfois de la cruauté. Renard est méchant quand il s'y met..
Jean-Louis Trintignant: Il a cet esprit à la fois cynique et tendre, acide et poétique. Il écrit par exemple: " Je connais des femmes laides qui sont quand même enceintes", c'est très méchant. Ou encore: "Un coyant en train de se noyer, s'il joint les mains pour prier, il coule". Mais il écrit avec une grande lucidité et en toute franchise ce qui est rare. C'est peut-être un signe de vieillissement, mais je trouve qu'on vit une époque où le mensonge est partout. Tout le monde ment, c'est devenu la chose la plus naturelle du monde. Cela dit le Journal de Jules Renard ne contient pas que des traits brillants ou spirituels. Il y a ce passage où il raconte le suicide de son père, et là ce n'est pas drôle du tout. Mais c'est écrit avec une simplicité, une vigueur telle que j'ai eu envie de rendre compte de cela sur scène. Tenez, encore un mot, sachant qu'il savait qu'il n'en avait plus pour longtemps à vivre - il est mort à 46 ans-, on a demandé à Jules Renard s'il désirait que l'on dise quelque chose à son enterrement, c'est une époque où l'on faisait beaucoup de discours. Il a rétorqué: " Parlez si vous voulez, moi je ne vous répondrai pas". C'est drôle et en même temps c'est tragique, c'est la mort.

(Interview accordée à l'occasion de la lecture du Journal de Jules Renard au Théâtre du Rond-Point du 14 mars au 19 avril 2008, publiée par www.visiteursdusoir.com)

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