mardi 11 février 2014

Jules Renard vu par la SACD

Dans sa séance du 24 mai 1910 présidée par Jean Richepin l’assemblée générale de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques a rendu un hommage à Jules Renard par la voix de son rapporteur Robert de Flers.
Dimanche dernier, nous apprenions la mort d'un grand artiste, d'un parfait écrivain, Jules Renard. Il connut l'enviable destinée d'être presque classique de son vivant. Il avait mérité cet honneur. Nul n'aima et ne servit les lettres françaises avec une passion plus tendrement orgueilleuse. Jules Renard fut le plus authentique des réalistes..Le sens qu'il avait de la vérité fut si puissant, son observation fut si exacte, si minutieuse, si pénétrante, qu'à force d'être précis, Jules Renard devint poète.
Ce n'est pas l'une des moindres conquêtes du théâtre d'avoir réussi à distraire parfois de son labeur qui eut je ne sais quoi de sacerdotal, ce styliste intransigeant. Notre répertoire lui doit des comédies sobres et fortes, Monsieur Vernet, La Bigote, Pain de Ménage, Le Plaisir de rompre, et un chef d’œuvre douloureux et profond, Poil de Carotte, qui gardera son intensité d'émotion tant qu'il y aura des enfants, - et qui voudraient qu'on les aimât.
Il me semble que s'il s'était appliqué à chercher une épitaphe pour son tombeau, Jules Renard n'en eut pas voulu d'autre que ce cri, que cet acte de foi d'Éloi, un de ses plus admirables personnages: " Oui, homme de lettres pas autre chose, je le serai jusqu'à ma mort, et puissé-je mourir de littérature! et si par hasard je suis éternel je ferai durant l'éternité de la littérature. Et jamais je ne me fatigue d'en faire et toujours j'en ferai et je me f... du reste. Comme le vigneron qui trépigne dans sa cave, ivre de soleil et de vin et sourd aux railleries des braves gens qu'il écœure, et plus j'aimerai passionnément la littérature plus je m'élèverai au-dessus du niveau de la mer". M. Jules Renard a tenu parole; il s'est levé très haut et il continuera de monter.

lundi 10 février 2014

Journal du 10 février 1900

Il faut les entendre me dire: "Vous ne connaissez pas les femmes!" Ces êtres vulgaires s'imaginent sentir des choses que je ne sens pas. Quand je leur explique: "que voulez-vous donc dire, avec vos coucheries?" ils  me ripostent, avec des yeux qui tournent au blanc: "Mais il ne s'agit pas de coucheries."
J'ai la sensibilité d'une lyre, et le vent suffit à me faire vibrer.

Actualité culturelle

L’escalier de la Bnf et la malédiction du ministère de la Culture.

Jean-Louis Pascal (1837-1920)
Escalier menant au Cabinet des Médailles
Paris, Bibliothèque nationale, site Richelieu
Photo : Didier Rykner.
Le poste de ministre de la Culture est-il définitivement réservé à des gens indifférents aux musées et au patrimoine, incapables d’agir ou tout simplement nuls ? La question peut être posée, quand on apprend qu’Aurélie Filippetti a donné finalement l’autorisation à la Bibliothèque nationale de France de détruire l’escalier construit par Jean-Louis Pascal. (La Tribune de l'Art, lettre d'information n° 456, 4 février 2014, www.latribunedelart.com)

samedi 8 février 2014

Journal du 8 février 1889

Pierre ne fait guère que téter et dormir. On sent que ses yeux vont être bientôt capables de perception. Ses mains ratissent le vide dans une éducation constante du tact.

vendredi 7 février 2014

Journal du 7 février 1905

Notre nouvelle bonne. Une fille d'ordre et d'argent. Elle a 600 francs à la Caisse d'épargne. Elle travaille chez les autres depuis l'âge de treize ans, mais tant qu'elle n'a pas été à Paris, c'est-à-dire jusqu'à vingt et un ou vingt deux ans, son père lui a pris toutes ses économies. Aussi ce n'est pas elle qui lui enverra un sou. 
- Ma mère, dit-elle, n'est pas heureuse, mais elle est bête: elle s'est trop laissée mener par mon père.
Elle est dégoutée des enfants. Impossible de coudre, avec eux! À chaque instant il faut aller les torcher.
Elle n'a jamais eu la chance d'être chez une femme qui lui donne des nippes.

La politique au temps de Jules Renard

"Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles".
Charles Péguy.

jeudi 6 février 2014

Journal du 6 février 1892

N'être pour soi pas trop sévère, et n'exiger des autres que la perfection.

Paris au temps de Jules Renard

À noter sur vos agendas:
Paris 1900 - la Ville spectacle. --  Au Petit Palais, Paris.
Du 2 avril au 17 août 2014.
L’exposition « Paris 1900, la Ville spectacle » invite le public à revivre les heures fastes de la capitale française au moment où elle accueille l’Exposition Universelle qui inaugure en fanfare le 20e siècle. Plus que jamais la ville rayonne aux yeux du monde entier comme la cité du luxe et de l’art de vivre. Plus de 600 œuvres – peintures, objets d’art, costumes, affiches, photographies, films, meubles, bijoux, sculptures… - plongeront les visiteurs du Petit Palais dans le Paris de la Belle Époque. Les innovations techniques, l’effervescence culturelle, l’élégance de la Parisienne seront mis en scène comme autant de mythologies de ce Paris dont la littérature et le cinéma n’ont cessé depuis de véhiculer l’image dans le monde entier.

mercredi 5 février 2014

Journal du 5 févier 1902

J'ai en horreur le critique esclave de son esprit indépendant qui, après avoir fait l'éloge d'un premier livre, se croit obligé d'éreinter le second et réserve à ses amis ses meilleures rosseries.
Je serai, non pas méchant, mais partial. Je dirai mon goût à moi, qui est bien le plus faillible que je connaisse. Aucune théorie, pas de système. Le bon livre est celui qui me plaît. Arrangez-vous!
Cependant, je déclare que j'ai un point de vue moral: la propreté d'âme , et un point de vue littéraire: la propreté du style. 
J'ai encore, mais j'y tiens moins, un point de vue social. Je parlerai avec plaisir des livres à la portée du peuple. Il aime la lecture beaucoup plus qu'on ne croit. Je consulterai souvent Philippe.
La sympathie a ses droits. Il est certain qu'un livre de Capus ou de Bernard me déplairait difficilement.
Je lirai, non pour faire de la critique, mais pour ma joie. Si j'arrive à m'imaginer que quatre lignes de moi puissent faire vendre cent exemplaires d'un livre, j'écrirai vingt lignes sans paresse. 
Je citerai souvent. Je dirai: c'est bien, ou: c'est mal, sans souci d'expliquer pourquoi, d'abord, parce que ça allonge inutilement, et puis, parce que, plus d'une fois, je ne le saurai pas.
Il faudra avoir confiance: c'est obligatoire.

mardi 4 février 2014

Journal du 4 février 1891

Oui! Je leur parlais, aux étoiles, en un langages choisi, peut-être en vers, et les bras croisés, j'attendais leur réponse.
Mais ce furent des chiens en cercle, de maigres chiens, qui me répondirent en hurlements monotones.

Suzanne Desprès

Beaucoup de talent, plus appréciée à l'étranger qu'à Paris, où elle n'occupe pas la situation artistique qu'elle mérite. Admirable interprète des héroïnes des héroïnes d'Ibsen, fait penser souvent à la Duse, dont elle a la sensibilité et le goût de la simplicité. Son nom est populaire dans toute l'Europe et en Amérique du Sud, où elle triompha à plusieurs reprises.
Véritable gavroche, enfant spirituel du peuple de Paris, sans éducation première, est arrivée à une belle érudition littéraire à force de volonté et d'un travail opiniâtre. Ne se laisse jamais décourager et poursuit toujours, avec une ténacité admirable, la réalisation du but qu’elle se propose. Très loyale, esclave de sa parole, très franche, disant ce qu’elle pense, très spirituelle et foncièrement bonne. Ignore la timidité et les formes. aussi à son aise avec l'Empereur d'Allemagne, qu'elle fit rire aux éclats par ses réparties de gavroche, lorsque je la lui présentais, pendant notre grande tournée en Allemagne, qu'avec son père, ouvrier mécanicien du chemin de fer de l'Est.  Une de mes pensionnaires, dont j'ai gardé le meilleur souvenir.
( Irénée Mauget, Avec les gloires de mon temps, p. 256, 1963.)

dimanche 2 février 2014

samedi 1 février 2014