jeudi 19 novembre 2015

Journal du 19 novembre 1889

Revu Rachilde, Mme Vallette: un corsage rouge, flamboyant, colliers au cou et au bras, colliers d'ambre. Les cheveux coupés à la garçon, et raides, et va comme je te peigne. Toujours des cils comme de gros et longs traits de plume à l'encre de Chine. Arrivent Dumur, Dubus. Le premier, toujours, colère, le second, neuf pour moi, mais, au bout d'un instant, vieux jeu. Je n'ai plus besoin d'avoir de l'esprit, et il m'est insupportable de retrouver celui que j'avais du temps du Zig-Zag. Dubus parle de gardes-malades qu'il a eues après un duel, je crois. Il n'avait qu'à dire: " Je suis blessé, venez." Elles venaient. Elles étaient une douzaine. Elles ont dû passer leur temps à l'épiler, car il a les lèvres et le menton blancs comme un élève du Conservatoire. Il se marie, on le marie.  Il est en procès avec son grand-père. Il pose, parle, interrompt,  dit des paradoxes vieux comme des cathédrales, ennuie, assomme, mais continue, a des théories sur la femme. Encore! Ce n'est donc pas fini d'avoir des théories sur la femme? Imbécile! tu fais comme les autres quand tu es sur une femme. Tu dis: je t'aime, je jouis, et tu lui bois sa salive simplement, comme un homme. A moins que tu ne sois pas un homme. 
Vallette arrive. On sent qu'il a un domicile. Il se tait suffisamment. Rachilde voit que je m'embête et me parle du bébé. Mais je m'embête tout de même, car j'ai en dégoût l'originalité de Dubus. Il me semble qu'on me fait manger quelque chose pour la millième fois.  C'est peut-être aussi le Chouberski, mais j'ai mal au coeur. On sonne.  C'est Louis Pilate de Brinn'Gaubast. Je me sauve. J'ai à peine le temps de voir une sorte de Méphisto élégant, et puis je crois n'avoir rien vu.
C'est toujours le procédé de Rachilde: faire croire aux autres qu'ils sont plus malin qu'elle. Elle dit: "Vous qui faites de l'art," En effet, ils en font, ils en font trop. Ils puent l'art, ces messieurs. Non! Assez! Plus d'art, que je me débarbouille en embrassant Marinon et Fantec!
Lu des vers de Dubus dans la Pléiade. Ce n'est pas mal, mais pourquoi être si vieux jeu, si épatant, si fastidieusement peu naturel!

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