lundi 3 décembre 2012

Poil de Carotte vu par François de Nion 1/2

Les Premières
COMÉDIE-FRANÇAISE- POIL DE CAROTTE, comédie en un acte de M. Jules Renard.
"La mort n'est pas une excuse," disait, je crois, Vallès. Cette dure mais juste parole s'applique plus particulièrement aux morts littéraires dont l’œuvre survit et doit être jugée sans que notre sensibilité intervienne. Je me sens donc à l'aise pour parler du spectacle que la Comédie-Française vient de nous donner hier, et cela d'autant plus que, du vivant de l'auteur qu'on a tenté de ressusciter, j'ai dit, ici même mon impression. Elle ne s'est guère modifiée.
Poil de Carotte, que des amis ingénieux s'entendirent pour faire "passer chef-d’œuvre", est une pièce de l'époque du "dénigrement", époque curieuse de notre littérature et pendant laquelle tous, à l'envi, s'attachèrent à essayer de démontrer notre irrémédiable faiblesse et nos tares. C'est de ce sentiment qu'est né tout le genre théâtrale qui fait, en ce moment, un fiasco si heureux et si complet.
Le petit acte de M. Jules Renard se ressent intimement de cette tendance et sa réussite à l'étranger vient surtout du jour odieux sous lequel il présente la famille française, cette famille, en réalité, si tendre, peut-être trop tendre pour ses enfants.  Mes lecteurs savent que je n'aime guère les grands mots, ni les indignations faciles, mais je n'hésite pas à dire qu'un telle pièce est une insulte à l'âme nationale, une venimeuse et calomnieuse insulte. Où Jules Renard avait-il vu l'ignoble mégère que son fils appelle si obstinément Mme Lepic? Ou a-t-il rencontré ce père indifférent et lâche, cet enfant auquel on veut nous intéresser, mais qui apparaît, en dernière analyse, comme un être sournois et révolté?
Suite demain.
(François de Nion, alias François Doré, L'Écho de Paris, 23 mai 1912.)

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