vendredi 25 mai 2012

Au soleil de Lucette

Céline étant mort, les visiteurs, soudain rétrécis d'admiration, voudraient continuer à le faire vivre pour le rencontrer enfin; en lieu et place du génie, on s'assied face à sa femme. Lucette a 100 ans, mais en chronologie célinienne elle n'en a que 76: ils se sont rencontré en 1936. A Meudon, la visite au 25 ter route des Gardes est devenue un pélerinage. Les céliniens, automatiquement lucettiens, se font croire que leur Dieu, qui est le Diable des autres, est bel et bien là...
Tout le monde est là sauf celui qu'on est venu voir. C'est un cimetière où ce sont les vivants qui sont morts et où le seul à être vraiment vivant est le mort qu'on célèbre; un Père Lachaise inversé...
L'infréquentable Céline aura finalement eu la veuve la plus fréquentée. Je ne le déplore pas, et ce petit livre hommage est sans doute un beau cadeau pour la vieille dame: pourtant toutes les danses autour et dedans une maison, fût-elle visitée de son fantôme principal, n'ont strictement aucun rapport avec l’œuvre, pas plus que de la tombe de Schubert ne s'échappe la moindre note de la moindre sonate. Brûlé au soleil de Lucette, on s'éloigne étonnamment, infiniment de la littérature. Que croyait-on?
(Yann Moix, Le Figaro littéraire, jeudi 24 mai 2012) A propos de Madame Céline, route des Gardes, ouvrage collectif dirigé par David Alliot, Éditions Pierre-Guillaume Roux, 140 p., mai 2012.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).