lundi 31 août 2015

Journal du 31 août 1892

Ma tête est une fleur, mais une fleur montée, et elle doit avoir un fil de fer dans la gorge.

dimanche 30 août 2015

samedi 29 août 2015

Journal du 29 août 1907

L'auto, l'ennui vertigineux.
Ils vous demandent tout de suite combien de chevaux. disons 1500 et n'en parlons plus.
Il y a des minutes où, en voyage aux frais des plus généreux des hommes, on se sent tout à coup le colis.
Guitry salue un vénérable prêtre, qui répond, surpris et flatté.
- Il faut que je lui donne quarante sous, dit Guitry qui court à lui, et qui lui dit: "Mon père, je vous prie d'accepter cette obole. Ce n'est rien, mais cela peut toujours soulager un de vos pauvres."
Nous rions, et les gens nous regardent et ne savent que penser, tant c'est bien fait. Tout autre que Guitry raterait ces petites scènes. C'est un homme de lettres qui joue au lieu d'écrire. Ses histoires les plus banales sont admirablement jouées, dans le mouvement et dans le ton.

vendredi 28 août 2015

Journal du 28 août 1908

Je ne suis, de ma nature, ni observateur ni ironiste. Je vois mal, et j'ai la réplique vraie, c'est-à-dire pauvre. Ce n'est qu'après que tout s'arrange.

jeudi 27 août 2015

Journal du 27 août 1890

Ça m'étonnerait, me dit amicalement Trézenick que Jullien n'insère pas votre article. Il n'a pas, en ce moment, de copie sous la main.

mercredi 26 août 2015

mardi 25 août 2015

Journal du 25 août 1893

Il se précipita, dans l'abîme, laissant, pour s'immortaliser, sa pantoufle sur le bord.
Mais personne jamais ne retrouva la pantoufle.

lundi 24 août 2015

Journal du 24 août 1889

Les écrivains qui n'aiment pas Victor Hugo me sont ennuyeux à lire, même quand ils n'en parlent pas.

dimanche 23 août 2015

Journal du 23 août 1908

La mère d'Augustine conseille bien à Marinette de ne la laisser sortir que pour les commissions. Elle ne connaît personne; elle n'a pas pas besoin de sortir le dimanche.
- Si elle désobéit, renvoyez-la-nous, dit-elle.

vendredi 21 août 2015

Journal du 21 août 1906

Voyage à Mont-Sabot par Combres, Ruages, Moissy, retour par le Mont-Bué, route de Lormes, Bailly, Reune-bourg, Corbigny. J'étale ma mémoire comme une carte géographique, et je m'efforce de revoir ce que j'ai vu: perpétuel étonnement.
Deux châteaux à tours carrées qui peu à peu s'adoucissent et deviennent des fermes.
Chitry-Mont-Sabot avec ses toitures  de paille et ses beaux noyers.  Il n'en a pas l'air dit le voiturier, mais c'est un pays riche. Une jeune fille apporte en dot un noyer.
Un chaos de maisons, de jardins et de tas de fumier. Des murs neufs de granit rouge.
Mont-Sabot. Un sabot droit au nez fendu. Des tilleuls dont l'un est foudroyé, mort. On y enterre encore. L'église, couverte de pierres plates, est fermée.  Vieilles tombes. dont les plus vieilles sont les mieux ouvragées. Vue magnifique: Montoison, le château de Vauban, l'immense grange de Vézelay, Lormes. Les morts n'ont qu'à se lever sur un coude pour voir tout ça.
Un pays clair, facile à comprendre: une butte, un vallon, une butte, un vallon. D'une pente à l'autre, les paysans se voient travailler. C'est la première église que j'aie envie de voir: elle est fermée.
Un sentier tourne autour de la butte comme une jarretière au-dessus du genou.
Puis, l'heure rose, l'heure tendre, l'heure divine arrive. C'est une surprise que Dieu nous fait chaque soir. Il faudrait se coucher dans tous ces près, boire à toutes ces fraîcheurs, vivre là, là, mourir partout.
Être né, là, au pied du Mont-Sabot, quelle enfance pour un poète!

jeudi 20 août 2015

Journal du 20 août 1901

Rentré à Chaumot après voyages au Breuil et à Bussang.
L'énorme nourrice qui sentait Château-Chinon à plein nez. Je me ratatinais dans mon coin, mais la chair croulait, et je sentais à la cuisse une chaleur grasse et écœurante. Elle était assise, genoux écartés, les mains aux ongles noirs sur les genoux.  Elle dormait bouche ouverte. Je remuais brusquement. Elle s'éveillait et tâchait de relever ses graisses, mais tout retombait. 
Entre sa cuisse et la mienne je glissais des journaux. Ça me tenait encore plus chaud, mais j'étais moins écoeuré.
La "meneuse" avec ses trois femmes. Air rusé, presque distingué, de femme maigre qui ne craint pas les voyages, une dame qui se sait supérieure aux trois pauvres vaches à lait qu'elle emmène à Paris. A côté d'elles, sa boîte carrée en bois verni avec la plaque de cuivre: " Service de l'Assistance publique". Elle me demande pardon et se met à la portière pour agiter son mouchoir quand elle passera "en vue" de son fils qui habite aux environs de Fontainebleau.
Un vieux monsieur, quelque noble, d'esprit curieux, qui tient à tout savoir et pose des questions insupportables.
- Monsieur est du pays?
- Oui.
- Quel est donc ce château?
- Ah! Je n'en sais rien.

mercredi 19 août 2015

Journal du 19 août 1907

Promenade à Montenoison, le 17. Le cocher gai:
- J'y suis venu lundi dernier pour amener un mort. Hi! Hi!
Les prés de Champlin. Des prés immenses qui valent entre 100 et 150 000 francs. Tout ça appartient à de riches régisseurs qui ont fini par manger leurs propriétaires.
Prés achetés autrefois aux communes, comme chaumes: ont-ils seulement été payés?
La voiture, une caisse trop noire qui doit être le corbillard de Montenoison; mais, quand on ne le sait pas...
Oh! avoir sur cette butte un vieil oncle que je viendrais voir de temps en temps!
Un homme jeune, qui nous prête sa lorgnette, nous dit:
- Je suis du pays, et j'ai attendu trente-cinq ans avant de venir voir ça.
Il le répète comme un titre.
Auberge. Hier, elle avait à déjeuner un ingénieur en chef de Paris.

lundi 17 août 2015

dimanche 16 août 2015

samedi 15 août 2015

Journal du 15 août 1906

Saint-Honoré, morne village d'eaux.Le marquis général d'Espeuilles arrive et se fait porter sur une chaise. Il salue (personne ne lui répond), et entre dans la salle de jeux. Richards du lieu tout fiers de lui parler.
Une cabane pour les renseignements donnés par le syndicat: toujours fermée.
Le couple tragique. Portant des boîtes plates,ils cherchent leur place, la table d'où ils feront le plus de poires. le professeur apparaît en habit. La vénérable vieille, bossue, bandeaux blancs, robe de soie, jupon jaune, tire un violon dans sa boite. Dans l'autre, il y a les accessoires du professeur et les lots de la loterie.  Oh! la pitié qu'excite la vieille! Cet air résigné qui fend le coeur!  Elle n'a donc pas un petit-fils qui lui dirait: "Grand-mère, je t'en supplie: ne fais plus ça! Tous les mois je te donnerai 20 francs. Tu pourras vivre chez toi, dans un coin, et penser à ton salut." Toute pâle, on dirait l'art tombé dans la misère.
Laïus du professeur. Il est déjà trop  jovial.  Il annonce que madame va jouer un morceau de sa composition, puis un air de vielle. Lui, il fera des tours nouveaux, très curieux. Elle joue. On applaudit. Elle salue en souveraine déchue qui tout à l'heure aura l'air d'une concierge. L'homme fait ses tours. Loterie, et la vieille vénérable va se changer en sorcière grippe-sou.

vendredi 14 août 2015

Journal du 14 août 1904

Le marquis tape sur le ventre d'une femme enceinte et dit:
- C'est du bon travail, ça! Moi aussi, je suis un bon taureau: j'ai sept enfants.
Il écrit, dans ses remerciements: "La main dans la main, nous travaillerons dans ce but. C'est le rêve de ma vie au milieu de vous, parce que c'est la seule raison d'être du riche dans la société moderne. "
Voilà un mot qui a l'air beau. Allons! Tant mieux, si le riche se met à restituer.
Mais, à peine élu, le marquis montre le bout de l'oreille.
Il veut donner 300 francs pour le concours de musique de Corbigny, mais à la condition que son nom figure à côté des prix offerts avec son argent. il donne, mais il ne veut rien perdre.

jeudi 13 août 2015

Journal du 13 août 1897

Elle oublie sa misère à force de bavardage. Elle fait vivre sa famille avec 9 francs par mois. Elle paie 500 francs de dettes par an sans que les siens le sachent. Ruinée par son frère, elle reste pleine d'admiration pour lui. Comme elle a une excellente vue, elle fait des ouvrages de broderie très fins, et elle se les fait payer dix sous parce que ça ne se voit pas. Tous profitent de sa bêtise, de sa bonté. 
Chaque fois qu'elle va voir une amie, elle a la délicatesse de mettre les vieilles affaires que cette amie lui a données. Elle a une garde-robe bien montée et, à chaque instant, change de toilette. 
Tout le monde est bien bon pour elle et elle n'a aucun mérite.

mercredi 12 août 2015

Journal du 12 août 1888

Rien d'assommant comme les portraits de Gautier. La figure est dépeinte trait pour trait, avec les détails, des minuties encombrantes. Il n'en reste rien à l'esprit. C'est là une erreur du grand écrivain, où l'école moderne se garde de tomber. On dépeint par un mot précis qui fait image, mais on ne s'amuse plus à des revues au microscope.

mardi 11 août 2015

lundi 10 août 2015

Journal du 10 août 1904

Leurs âmes noires comme des puits. Quand c'est bien calme, on voit une étoile au fond: c'est rare.

dimanche 9 août 2015

Journal du 9 août 1889

Mon gros libraire, qui ne connaît des livres que leurs titres, m'a dit, en me remettant Le Disciple de Paul Bourget, avec une voix bon enfant, un ton convaincu et un air imbécile: " C'est amusant, mais c'est un peu dur, par exemple."

samedi 8 août 2015

Journal du 8 août 1901

Philippe. Aucune chaleur ne peut l'arrêter.
- Tant mieux, dit-il, si le travail se trouve à l'ombre; mais, si le travail est au soleil, il faut bien y aller.

vendredi 7 août 2015

Journal du 7 août 1907

Il faut que je laisse aux choses le temps de se placer sur ma mémoire, comme des objets d'art sur un meuble bien d’aplomb.

mercredi 5 août 2015

Journal du 5 août 1897

Je suis un homme du Centre de la France, à l'abri des brumes du Nord et des coups de sang du Sud. Ma cigale, c'est la sauterelle, et ma sauterelle n'est pas symbolique. Elle n'est pas en or. Je la prends dans les prés au bout des brins d'herbe. Je lui ôte ses grandes cuisses et m'en sers pour pêcher à la ligne.

mardi 4 août 2015

Journal du 4 août 1902

Prix à Corbigny. Le comte d'Aunay, type du diplomate faisandé. Très fort au jeu de lorgnon, qu'il pose et reprend à chaque transition. Un peu démonté parce que personne ne l'attendait à la porte de la salle des fêtes. 
Il n'embrasse pas les petites filles: ce doit être de mauvais goût. Il lit leur nom sur la fiche du prix et demande leur âge. Il croise les jambes pour montrer ses souliers vernis et ses chaussettes de couleur à raies.

lundi 3 août 2015

Journal du 3 août 1892

Y aurait-il moyen de reprendre les Cloportes en style direct? Je dirais :"Mon père, mon frère, ma soeur". Je serais un personnage d'observation: je ne jouerais aucun rôle, mais je verrais tout. Je remarquerais que le ventre de la bonne grossit. Je dirais: " Qu'est-ce qui va se passer?" J'observerais les têtes. Je dirais: " Pan! Voilà que maman veut mettre la bonne à la porte, maintenant!" Greffer l'histoire de Louise sur l'histoire d'Annette.  C'est moi qui fournirais les accessoires. Ce seraient les souvenirs d'un enfant terrible. Je dirais: " J'ai reçu une calotte, mais j'ai bien ri." Faire très gai de surface et tragique en dessous. Ma mère ne s'aperçoit de rien. Elle bavarde tant!
J'aurais ainsi Poil de Carotte ou l'enfance, les Cloportes, adolescence, et l’Écornifleur, vingtième année. En faire une satire intime. Je fais Kss! Kss!

dimanche 2 août 2015

Journal du 2 août 1902

Chitry. C'est la première fois, mais je préférerais l'incognito. Tout à l'heure en passant devant l'auberge, j'ai entendu des gens parler fort, et l'un d'eux a presque crié, en  se retenant tout de même: "Poil de Carotte!" Est-ce que je serai obligé, un jour,  de me retourner et de répondre: "Et vous, comment vous appelle-t-on? Poil de voyou, ou crapule?"  Est-ce que Poil de Carotte va recommencer et me rendre ce pays inhabitable?
Dire que, si jamais j'ai quatre-vingts ans et que je sois obligé d’être un  maire "à poigne", les gamins me courront après en m'appelant Poil de Carotte.