samedi 30 novembre 2013

Journal du 30 novembre 1908

Gérault avoue que son journal perd une trentaine de mille francs par mois. Comme je lui reproche de ne payer les contes que 25 francs, il me montre une pile sur sa table. Il en reçoit en moyenne trois par jour. Il pourrait ne les payer que 10 francs: il en recevrait autant.
Il ne croit pas plus à la morale qu'à Dieu. Il me reproche d'être un moraliste amer, pas gai. Il se reproche d'avoir été souvent ridicule de bonté. Il admet tout. Il ne juge personne.

vendredi 29 novembre 2013

Journal du 29 novembre 1890

Barrès a rencontré la meilleure manière d'être neuf: c'est de compliquer l'expression des choses anciennes.

L'assurance maladie au temps de Jules Renard

La bonne assurance
On assure contre les sinistres ses biens et sa personne. Des pères avisés et prudents assurent leur progéniture contre les coups de l'adversité possible. Mais combien voyez-vous de gens qui s'assurent contre la maladie? Elle est là, cependant qui guette et menace chacun de nous. Pour être armé contre elle,  pour se défendre de ses coups, pour enrayer ses assauts, la science préconise le Vin Mariani, le plus admirable reconstituant vital que possède la thérapie moderne. Par lui, l'organisme répare ses pertes, se fortifie, se protège, et la santé, par lui, n'a rien à craindre. La voilà, la bonne assurance.
(Le Courrier Français, n° 36, 8 septembre 1895, p. 4)

jeudi 28 novembre 2013

Journal du 28 novembre 1908

Séailles. Je me fais re-présenter à lui chez Floury. Intimidé devant l'ancien maître, je me tiens avec mon petit chapeau à la main. Aussitôt, il improvise une théorie pour me prouver que Fantec fait sa médecine par réaction, mais qu'il me reviendra. Il n'a pas du cesser de parler depuis vingt-six ans que je ne l'ai vu. C'est bien grâce à lui que je ne sais pas un mot de philosophie.

La Madeleine d'or

Au menu du restaurant du Grand hôtel de Cabourg, l'heureux dîneur peut choisir comme dessert "l’intemporelle madeleine comme l'aimait Marcel Proust" (sic), 15€. Lorsque l'on sait que la madeleine n'a jamais existé et n'était qu'une modeste biscotte, on reste béât d'admiration devant la récupération culinaire de ce facétieux chef, virtuose du marketing gastronomique.
La ville de Cabourg n'est pas en reste, qui, le nom de Balbec étant en déshérence,  a pris de court d'éventuelles et passives postulantes pour s'intituler, officieusement il est vrai, Cabourg-Balbec à l'instar de sa consœur Illiers-Combray, celle-ci tout ce qu'il y a de plus officiellement.
Et cela au grand bonheur des chanceux proustiens venus assister à la remise de la Madeleine d'or, ce dernier samedi 23 novembre 2013.
Dans les salons du Grand hôtel, le Cercle littéraire de Cabourg-Balbec (sic) a remis au cours d'un dîner de gala éminemment sympathique et convivial la 7ème Madeleine d'or à Proust contre Cocteau, dernier ouvrage d'un non moins sympathique auteur, M. Claude Arnaud.
Et peu importe les approximations biographiques et littéraires, l'essentiel est que le gagnant soit la littérature, pour la grande joie des lecteurs.
Bientôt peut-être verrons-nous remettre par le maire de Barfleur, autre lieu d'accueil de Jules Renard et au nom plus poétique que Chitry-les-Mines, non pas au dernier buraliste survivant, mais au  renardien de l'année,  la Carotte de corail.
T.J.

mercredi 27 novembre 2013

mardi 26 novembre 2013

Journal du 26 novembre 1893

Il avait des manchettes en forme de faux cols. Il ne lui restait qu'à leur mettre une cravate.

Les Histoires naturelles aux enchères

Le lundi 9 décembre à 11 heures, sera mis en vente à l'Hôtel Drouot un exemplaire de l'édition originale des Histoires naturelles, dédicacé par Jules Renard, lot n°65: (cliquez sur la photo pour agrandir)

RENARD Jules. Histoires naturelles. Paris, Ernest Flammarion, [1896]; RENARD Jules. Histoires naturelles. Paris, Ernest Flammarion, [1896];
RENARD Jules. Histoires naturelles. Paris, Ernest Flammarion, [1896]; in-12 carré, reliure ancienne demi-maroquin rouge à coins, dos à nerfs, tête dorée, couverture (M. Godillot). Édition originale. Deux dessins de Félix Vallotton ornent le plat supérieur et le plat inférieur de la couverture. DÉDICACE AUTOGRAPHE SUR LE FAUX-TITRE : « Bien sympathique hommage à Mr Simonis Empis Jules, Renard, Année 1896 ». La même année 1896 Jules Renard avait publié chez l’éditeur Simonis Empis La Maîtresse avec des bois gravés de Félix Vallotton.– De la bibliothèque Maurice Chevalier. Estimation: 300/500€

SCP Marielle Digard- Vincent Pestel-Debord, Lieu de vente, Hôtel des Ventes Drouot - salle 5, 9 rue Drouot, 75009 Paris.

lundi 25 novembre 2013

Journal du 25 novembre 1901

Anatole France faisait des compliments au général André, qui lui dit:
- Ce n'est rien. Je tâche d'être un homme.
Et le général se mit à pleurer.

Les glaces au temps de Jules Renard

Mon Dieu, à l'hôtel Ritz je crains bien que vous ne trouviez des colonnes Vendôme de glace, de glace au chocolat ou à la framboise, et alors il en faut plusieurs pour que cela ait l'air de colonnes votives ou de pylônes élevés dans une allée à la gloire de la Fraîcheur. Ils font aussi des obélisques de framboise qui se dresseront de place en place dans le désert brûlant de ma soif et dont je ferai fondre le granit rose au fond de ma gorge qu'elles désaltéreront mieux que des oasis[...] Ces pics de glace du Ritz ont quelques fois l'air du mont Rose, et même, si la glace est au citron, je ne déteste pas qu'elle n'ait pas de forme monumentale, qu'elle soit irrégulière, abrupte, comme une montagne d'Elstir...
(Marcel Proust, quelque part dans À la recherche du temps perdu, cité par Jean-Paul et Raphaël Enthoven, Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, P. 271)

dimanche 24 novembre 2013

Journal du 24 novembre 1905

Et je me lamente au lit. Pas de solution pour un artiste dans ce mondes des lettres, de voleurs qui ramassent tout. Ce que produit l'artiste ne peut le nourrir. Et, tandis que je me lamente, Marinette, assise sur mon lit, me répète de temps en temps:
-Lève-toi, mon chéri.

samedi 23 novembre 2013

Journal du 23 novembre 1888

Le  poète n'a pas qu'à rêver: il doit observer. J'ai la conviction que par là la poésie doit se renouveler. Elle demande une transformation analogue à celle qui s'est produite dans le roman. Qui croirait que la vieille mythologie nous opprime encore!  À quoi bon chanter que l'arbre est habité par la Faune?  Il est par lui-même.  L'arbre vit: c'est cela qu'il faut croire. La plante a une âme. La feuille n'est pas ce qu'un vain peuple pense. On parle souvent des feuilles mortes, mais on ne croit guère qu'elles meurent. À quoi bon créer la vie à côté de la vie? Faunes, vous avez eu votre temps: c'est maintenant avec l'arbre que le poète veut s'entretenir.

vendredi 22 novembre 2013

Journal du 22 novembre 1894

Le mot juste! Le mot juste! Quelle économie de papier le jour où une loi obligera les écrivains à ne se servir que du mot juste!

Jules Renard aux enchères

Mercredi 20 novembre plusieurs lettres et manuscrits de Jules Renard ont été dispersés à Drouot.
Cette fois-ci pas de stagiaire des Archives départementales de la Nièvre pour lancer une enchère intempestive mais des  professionnels et des amateurs éclairés.
Les lots ont été adjugés pour la plupart dans la fourchette des estimations, ce qui témoigne d'un regain d'intérêt pour Jules Renard. À signaler:
- Un rare manuscrit d'un poème de jeunesse adjugé 600 €.
- Un manuscrit encore plus rare du texte intitulé L’Épervier publié dans les Histoires naturelles, adjugé 2600 €, largement au-dessus de l'estimation.

jeudi 21 novembre 2013

Journal du 21 novembre 1902

Rachilde me dit cette idée:
Décrire Dieu selon la tradition, lui accorder toutes les infinités qu'on lui prête, en ayant soin de changer quelques métaphore et terminer par: "Ainsi c'est Dieu. Il y en a encore un autre au-dessus de lui, mais on ne le connaît pas."

Retour de Flaubert dans " Pléiade"

Réédition. Aussi étonnant que cela paraisse, la première (et dernière) édition des œuvres romanesques de Flaubert en "Pléiade" datait de 1936. Depuis, les études flaubertiennes se sont considérablement enrichies et tant d'eau a coulé entre Paris et Croisset! Cette résurrection en deux volumes est donc la bienvenue dans la prestigieuse collection. Dirigée par Claudine Gothot-Mersch, la nouvelle édition contient  le récit breton Par les champs et par les grèves, la Tentation de Saint-Antoine (version 1849 et 1856), des œuvres peu connues (dont Pierrot au sérail), Madame Bovary, Salammbô et Voyage en Orient. En prime, de nombreux inédits, ébauches, extraits de carnets, scénarios. Parmi "ce grand trottoir roulant que sont les pages de Flaubert", selon le mot de Proust, signalons un épisode supprimé de Madame Bovary où M. Homais parle de la lecture... Parution des deux volumes (1680 et 1360  pages) le 8 novembre.
(Thierry Clermont, Le Figaro littéraire, jeudi 7 novembre 2013, p. 6)

mercredi 20 novembre 2013

Journal du 20 novembre 1908

Augustine dit:
- Vous envoyez la lettre, Madame?
- Oui, ma fille.
- Je ne m'en irai pas chez nous. Ma mère ne veut pas de moi. Pourvu que je gagne ma vie, elle se fiche bien de moi. Elle me calotterait. Je ne veux pas m'en aller.
- Je vous mettrai dans le train.
- Je descendrai à la première gare. Je reviendrai à Paris chercher une place.
- Mais si vous n'en trouvez pas? Vous ne savez rien faire.
- Je ne veux pas m'en aller. J'aime mieux être mendiante.
- Vous vous ferez ramasser par les sergents de ville.
- Alors, j'aime mieux me détruire.
- Vous dites des bêtises. Écoutez., j'ai pitié de vous. Votre mère vous a confié à ma garde. Cette lettre, je ne la déchire pas. Je la garde. À la première bêtise que vous ferez, je l'envoie à votre mère, sans vous prévenir. Elle fera ce qu'elle voudra, mais vous ne resterez pas un jour ici.
- Oh! Madame, je vais bien travailler. Je ne mentirai plus. Je n'écrirai plus de lettres à mon amoureux. D'abord, je ne lui ai écrit que deux fois. Je ne mangerai plus l'aile du poulet que vous mettez de côté  pour Monsieur. Je ferai bien attention à la poussière.
- Oui, Augustine. Vous n'êtes pas mauvaise: vous êtes trop jeune. Nous avons tort de prendre des bonnes aussi jeunes que vous. Ici, vous pourriez vous faire une vie douce, mettre de l'argent de côté. Vous n'avez qu'à écouter ce que je vous dis. Vous avez bien compris?
- Oui, Madame. Ah! que j'ai eu chaud! Je vais boire un coup d'eau à la carafe. Madame ne me chasse pas?
- Non, pas tout de suite.
- Je reste?
- Oui, provisoirement.
- Ah! Madame va voir! Madame va voir!

mardi 19 novembre 2013

Journal du 19 novembre 1892

Une littérature de crabe.

Anosognosie

De la littérature (de crabe ou pas) au vocabulaire il n' y a qu'un pas que nous franchissons aujourd'hui, en puisant dans le panier de la lettre A, avec ce mot barbare,
Anosognosie: Trouble neuropsychologique caractérisé par la méconnaissance par le patient de la maladie dont il est atteint. 
(Le Petit Robert, p. 102, édition 2013.)

lundi 18 novembre 2013

Journal du 18 novembre 1892

Il devait parfois écumer ses idées bouillonnantes.

Jules Renard à Drouot

Mercredi 20 novembre à 14 heures seront mis en vente aux enchères d'important manuscrits et lettres de Jules Renard, parmi lesquels:
un rare poème de jeunesse,
un très rare manuscrit comportant de nombreuses corrections publié dans les Histoires naturelles intitulé L'épervier,
vingt-six lettres à divers correspondants, Alfred Vallette , Lucien Descaves, etc.
Piasa, Drouot Richelieu, salle 3,  9 rue Drouot, Paris 9.

samedi 16 novembre 2013

Journal du 16 novembre 1904

Claretie et Guitry.
- Après vous, dit Claretie.
- Non,non!
- Si, si! Vous êtes chez moi.
- Ah! c'est vrai! dit Guitry. J'oublie toujours.

vendredi 15 novembre 2013

Journal du 15 novembre 1895

Le lapin a le geste humain d'un homme qui se peigne la barbe.

Exposition Colette au Musée Maxim's

Mercredi 13 novembre 2013 – dimanche 30 mars 2014 

Musée Maxim’s.  3 rue Royale 75008 Paris. 
01 42 65 30 47

Exposition  Colette

 

 Portraits – tableaux - photos – objets – caricatures
la représentant ou lui ayant appartenus, dans un authentique décor Art Nouveau.
Rencontrez  celles et ceux qui ont accompagné la célèbre romancière au cours de sa foisonnante vie. De Saint- Sauveur au Palais-Royal, les maris, les liaisons, les amis l’entourent et la suivent.  Un parcours aux mille anecdotes et histoires vraies.
Visites guidées commentées à 14h ( anglais), 15h15 et 16h30 ( français) :

Tarif : 15€.
Groupes sur rendez-vous à partir de 11h.
auprès de Pierre-André Hélène 01 42 65 30 47

jeudi 14 novembre 2013

Journal du 14 novembre 1887

Parfois, tout, autour de moi, me semble si diffus, si tremblotant, si peu solide, que je m'imagine que ce monde-ci n'est que le mirage d'un monde à venir, sa projection. Il me semble que nous sommes encore loin de la forêt et que, bien que l’ombre des grands arbres déjà nous enveloppe, nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant de marcher sous leur feuillage.

mercredi 13 novembre 2013

Journal du 13 novembre 1893

Enfin, s'il parvenait à travailler, la montagne de sa paresse accouchait d'une souris.

Actualité théâtrale

Un message de  Pierre-André Hélène:
Chers auditeurs et amis, 
A la suite de mes deux premiers spectacles « Guitry, Feydeau, les femmes et moi » et « Parlez-nous d’amour », je vous propose de nous retrouver, toujours au théâtre de Nesle, pour terminer ma trilogie théâtrale, avec mon nouveau one-man-show :
« Je n’ai pas encore tout dit… »
Un spectacle conté où nous évoquerons les femmes extraordinaires dont je n’ai pas encore parlé. Toutes ont été des égéries, des précurseurs, des symboles, des icônes de leur temps. De Sarah Bernhardt à Chanel, de Colette à Mary Marquet, de Cécile Sorel à la Paiva et bien d’autres encore, elles ont « épaté » leur époque.
Un one-man-show historico-glamour, tour à tour tendre, drôle et émouvant où rien ne se fait sans les femmes.
Et bien sûr : Spectacle conçu et écrit par moi, mis en scène par : toujours moi,
interprété par : encore moi,
alias Pierre-André Hélène (conservateur du musée Maxim's)
Théâtre de NESLE 8 rue de Nesle 75006 Paris
Les mardi 19 et 26 novembre, 3 et 10 décembre 2013 à 19h15
Réservation : 01 46 34 61 04 Tarif : 25€ - 20€.

mardi 12 novembre 2013

Journal du 12 novembre 1902

Le papillotement des paupières de Schwob quand il ment.

Un tsunami dans la littérature

Lecteurs, lectrices de ce blog, ne perdez plus votre temps, votre argent, abandonnez d'urgence vos lectures et pour commencer celle de ce blog, adonnez vous aux mots fléchés, au sudoku ou, pourquoi pas, si vos doigt sont agiles, à la broderie. Cher Léon Guichard, cher Michel Autrand, cher Stéphane Gougelmann dont les thèses sur Jules Renard ont éclairé mes insomnies et  rendu, du moins je le croyais jusqu'à aujourd'hui, moins épaisse mon ignorance, apprenez que votre prose n'était, hélas, que fadaises destinées à  disparaître dare-dare sur le bûcher de vos vanités. 
Et oui, du fond d'un petit bourg français une nouvelle doxa  prend son envol et déjà submerge la planète: une intermittente habitante vient de décréter, et répand urbi et orbi que nul ne peut comprendre Jules Renard s'il n'est pas habitant de Chitry-Les-Mines. (pour le lecteur occasionnel, Chitry-Les-Mines est le village natal où n'est pas né Jules Renard). Vous aurez compris, chers lecteurs et chères lectrices que, comme les ailes du papillon qui croît butiner impunément sur les pâles fleurettes de votre pavillon de banlieue, cet axiome a pour conséquence de déclencher un cataclysme universel. 
Habitants, de Maubeuge, d’Épinal, de Villeurbanne, ou de Bécon-les Bruyères ruez-vous à l'Etat-civil de votre mairie et vérifiez illico si le hasard a fait naître dans votre commune au moins un seul plumitif, même le plus obscur, qui vous sauvera de l'analphabétisme. Universitaires, écrivains, biographes qui avez osé vous pencher sur la vie ou l’œuvre d'un auteur étranger à votre village, mesurez désormais l'étendue de votre turpitude. Messieurs Lagarde et Michard, votre prétention, n'a d'égale que la profondeur de votre ignorance. Vous serez jugés par contumace et par posthumace, condamnés à mourir une deuxième fois sur l'échafaud érigé par vos pairs repentis de la Sorbonne reconvertis dans la menuiserie funéraire.
Heureux habitants de Besançon, ville deux fois bénite pour avoir donné le jour à Victor Hugo et Tristan Bernard, vos cervelles favorisées peuvent, sans faillir, choisir entre deux auteurs. Chance que n'ont pas les rouennais condamnés à lire, relire, et relire toujours et encore Madame Bovary, la Tentation de Saint-Antoine, Salammbô et l’Éducation sentimentale. Ayons une pensée charitable pour les 450 habitants d'Épineuil-le-Fleuriel incapables de ne rien comprendre d'autre que le seul et unique roman de leur concitoyen mort trop tôt sur un champ de bataille. Tout le monde n'a pas la chance, comme aurait dit Jules Renard, d'être né à Auteuil dont les habitants n'auront pas assez d'une vie pour digérer l’œuvre de Marcel Proust.
Mais tant pis pour vous, ignares que vous êtes, l'auteur de ce blog (pourtant doublement favorisé: né à Paris - ouf-, à deux pas de l'hôtel particulier de Sacha Guitry - re-ouf -  aujourd'hui détruit), l'auteur de ce blog, inculte, prétentieux, parisien, mal élevé, hérétique, ingrat continuera à nourrir ce blog d'une prose insipide et absconse jusqu'à ce que mort s'ensuive.  

lundi 11 novembre 2013

Journal du 11 novembre 1908

Hier soir, une lettre m'informe que La Gloriette est presque vendue. changement de direction. La Gloriette meurt. Espérons que le livre va vivre! Il est temps de faire retraite à la maison paternelle. Je laisse La Gloriette. Est-ce pour habiter la gloire?

Jules Renard aux enchères

Chez PIASA Drouot, le mercredi 20 novembre 2013 à 14 h.
Dispersion d'un vingtaine de manuscrits, lettres et photo de JULES RENARD.

dimanche 10 novembre 2013

Journal du 10 novembre 1897

Guitry sait raconter. Il ne raconte que ce qu'il faut, et il sait s'arrêter. S'il a du succès, il n'ajoute rien, et ne revient pas sur son histoire.
- Avec lui, dit Bernard, on n'est jamais gêné. On cause d'égal à égal. on n'a pas peur de dire tout à coup une chose qui froisse un cabot.
Jamais je n'oserai lire à cet homme-là ma petite pièce naïve et bébête.
Nous avons aussi beaucoup parlé cravates, et j'ai tout de même rougi de plaisir parce que Guitry m'a dit que la mienne n'avait pas l'air d'une cravate toute faite.

jeudi 7 novembre 2013

Journal du 7 novembre 1887

Une nature métallique, une végétation de tuyaux de poêle, des toits de zinc plus blancs que des lacs, des creux de cavernes qui sont des ouvertures de tabatières, une cité presque enfouie sous l'eau jusqu'à hauteur des cheminées de briques rouges, une noyade sous un soleil très pâle, couleur de brique lui aussi, tout un monde flottant, fantomatique, vu au travers des vitres vaporeuses par un temps de pluie.

mercredi 6 novembre 2013

Journal du 6 novembre 1902

L'arbre droit dans un bouclier d'écorce qui en fait tout le tour.

L'asperge au temps de Jules Renard

Mais mon ravissement  était devant les asperges, trempées d'outre-mer et de rose dont l'épi, finement pignoché de mauve et d'azur, se dégrade insensiblement jusqu'au pied - encore souillé pourtant du sol et de leur plant - par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s'étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d'aurore, en ces branches d'arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j'en avait mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum.
 (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Première partie, Combray II)

mardi 5 novembre 2013

Journal du 5 novembre 1900

Exposition. Chrysanthèmes qui ressemblent trop à des caniches. Belles pommes qui ont des peaux humaines. Je préfère les belles porcelaines aux orfèvreries. Au moins, c'est fragile: on peut espérer que ça ne va pas durer indéfiniment.

lundi 4 novembre 2013

Journal du 4 novembre 1895

Le crapaud, et sa jambe de forçat qui a traîné le boulet à la patte.

Actualité littéraire

La vie de Stevenson
C'est lorsqu’il était enfant , dans son lit ou sa santé fragile le consignait, que Robert Louis Stevenson devint romancier. Son imagination métamorphosait en batailles de pirates les combats qu'il menait contre le mal qui lui rongeait les poumons. Plus tard, il expliquera que pour écrire des romans d'aventure, il n'est point besoin d'aller au bout du monde, que l'aventure est en soi, lorsqu'on se bat contre soi-même. Stevenson, le Pirate intérieur est une très belle biographie scénarisée par Rodolphe, l'un des biographes de l'écrivain, et dessinée par René Follet, qui fit ses premiers pas de dessinateur, en 1946, à quinze ans, en illustrant L'Ile au trésor. Les dessins aquarelles, aux accents romantiques, plongent le lecteur dans l'univers mouvementé de Stevenson, tout en racontant avec douceur et réalisme les étapes de sa vie, ses voyages en France, où il rencontra sa femme, puis en Amérique, où il alla la rejoindre, dans le pacifique enfin.
Stevenson, le Pirate intérieur, de Follet et Rodolphe, Aire libre-Dupuis, 72 p.
(Le Figaro littéraire, jeudi 31 octobre 2013, p. 7)

samedi 2 novembre 2013

Journal du 2 novembre 1887

Projet de préface. " Ma chère Maîtresse, je te dédie ces vers, d'abord parce que tu ne les liras pas, et que, d'autre part, je suis bien tranquille, car, si tu les lis, tu n'y comprendras rien. Mais je te les offre parce qu'ils sont nés sur les galets de la Manche, dans les coins de paysage de Normandie, dans une nature tapageuse parmi les dessous de bois et les buissons. Nous y sommes-nous piqués, hein! Effet bizzare; presque tous ont une allure triste. Très peu sont gais. En me les rappelant, je songe à un vol de corbeaux que j'ai vu, où, se mêlaient, ça et là, quelques alouettes effarées, et qui s'élevait au-dessus d'un parterre enchanteur et très riant de pavots rouges, de marguerites neigeuses et de belles gueules-de-loup. C'est, vois-tu, une habitude des faiseurs de vers de n'être jamais où ils sont. Si tu venais m'embrasser pendant la lecture d'un sonnet de Baudelaire, je serais capable de ne pas m'interrompre, et, si l'on m'annonçait la mort de mon père entre deux strophes d'Hugo, je dirais :"Attendez." Je me rappelle aussi les enthousiasmes. Tu as beau dire: tu admirais, mais tu ne comprenais pas. Pourtant, il était d'un grand charme pour moi, ce battement de mains tout de confiance, et rien n'est plus doux au coeur d'un homme que le ravissement de la femme qu'il aime, qui l'aime, et la mine attentive qu'elle prend à chacune de ses paroles, d'autant plus  émue et intérieurement grisée qu'elle ne sait pas ce qu'il lui dit.
Ton adoré.
P.S. Tu sais que je me marie."

vendredi 1 novembre 2013

Journal du 1er novembre 1901

Fantec. Quand il y a "bâtard" dans Regnard, il met "parent".
Regnard parmi les classiques, Theuriet parmi les modernes.
Il m'apporte un témoignage de satisfaction.
- Je ne sais pas pourquoi on m'a donné ça, dit-il.
Il traduit Jupiter regens par "le commandant Jupiter". C'est son élégance à lui.
Il ne sait pas encore se servir du mot "camarade". Il dit:
- J'ai demandé à un petit garçon.